c'est pas moi je l'jure!

situation #9

Aux Etats Unis, c’était le paradis, et si ça ne l’était pas, j’avais le droit de râler. En Ontario, c’était le début de la galère, mais j’ai quand’même gagné quelques batailles. En Alberta, mon identité-même est remise en question, et le médecin que j’ai vu hier a enfin mis des mots sur une situation que je ressens violemment mais que je n’avais jamais vraiment réussi à comprendre. Ce médecin était relativement sympa (et m’a signé les papiers nécessaires pour mon permis, tout n’est pas encore gagné mais ça avance, cette histoire), donc je lui ai demandé si je pouvais le revoir pour d’autres questions que j’avais. Il a eu l’air très surpris et m’a répondu qu’il n’avait jamais vu de personnes avec les mêmes problèmes de santé que moi… ni chez lui, ni chez ses collègues médecins… à part chez les pédiatres!

Et au moment où il m’a dit ça, je me suis retrouvée tout à coup à Paris, il y a quelques années de ça, et j’ai revu cette expression sur le visage des passants qui me disait “qu’est-ce que tu fais ici? Les gens comme toi restent chez eux!”

Et ça m’a soudain frappé en plein dans la gueule: je n’ai jamais, jamais vu ni rencontré de gens qui marchaient avec des béquilles ou en fauteuil roulant ou aveugles ou avec d’autres problèmes de santé visibles, dans les rues de la ville ou même au travail, depuis que je suis arrivée en Alberta, il y a huit mois!

Mortecouille! Je comprends mieux les difficultés que j’ai eues depuis mon arrivée ici!

C’est marrant de se rendre compte qu’avant de déménager, j’avais imaginé ce qui serait difficile dans ma nouvelle vie en Alberta (comme l’hiver, par exemple). Mais en réalité, ce que j’avais imaginé ne s’est pas produit (je trouve même l’hiver Albertain plus facile à vivre que l’hiver Ontariain) et je n’aurais jamais pu imaginer ce qui allait réellement être difficile à vivre ici, pour moi.

Holly cow, les enfants, j’ai fait des bons trucs dans ma vie mais je crois que j’ai atteint le sommet, là, avec cette quiche aux endives et au jambon! En plus, je commence à maîtriser un peu mon four et ma pâte était parfaite… et le tout était tout simplement divin! DI-VIN! En fait, j’ai vu cette tarte une première fois chez Pascale, mais j’ai résisté, et puis quand je l’ai revue chez Choupette77, là j’ai craqué! Je vous copie sa recette:

Préparation 20 mn
Cuisson 45 mn

Les ingrédients pour un moule de 28 cm de diamètre :

1 pâte feuilletée pur beurre  ou 1 pâte brisée
10 endives ( 1,4 kg )
4 tranches de jambon blanc
2 oeufs
70 g de beurre ( 50 g + 20 g éventuellement pour le moule )
20 cl de crème fraîche
100 g de gruyère râpé
Sel, poivre et muscade

Retirer les premières feuilles des endives et les couper en 2 dans la longueur. Retirer la partie amère au centre et les émincer en fines lamelles. (Je n’ai rien coupé ni retiré, j’ai simplement émincé les feuilles en lamelles).
Dans une poêle faire fondre 50 g de beurre, y mettre les endives. Saler et poivrer, ajouter un peu de muscade râpée et cuire 10 mn environ en mélangeant régulièrement. Les endives doivent devenir transparentes et le liquide de cuisson s’évaporer. Mettre les endives cuites dans un saladier. Battre les oeufs avec la crème et assaisonner.
Foncer le moule à tarte avec la pâte étalée au rouleau et disposer sur le fond la moitié des endives et la moitié de l’appareil à quiche. Recouvrir de 2 tranches de jambon, mettre l’autre moitié d’endives puis ce qui reste d’appareil à quiche. Terminer par les 2 tranches de jambon restantes et recouvrir de gruyère râpé. Faire cuire 35 à 40 mn à four préchauffé à 200° ( à adapter suivant le four ). Servir bien chaud.

Réussite: 20/10! C’était un vrai bonheur! L’amertume des endives avait complètement disparu, et c’était plus léger et raffiné que mes exquises endives au jambon. J’ai dû me retenir pour ne pas tout manger en une soirée!

34 comments

  1. catherine

    pour le permis c’est presque bon, alors?

    pour le reste, je te trouve, au travers de tes récits, une fille magnifique, intelligente, tu rebondis toujours, tu rebondiras encore une fois, et tu trouveras au fond de toi assez de vitalité, de courage et d’énergie pour leur en mettre plein la vue, non?
    c’est tout ce que je te souhaite!!

    et ton nouveau pays n’est vraiment pas attirant par certains côtés dis donc!

    bonne journée et fais leur la nique!

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  2. C’est quand même dingue de se dire que tu es un précurseur en Alberta !

    Sinon, l’idée de la quiche aux endives, je l’ai vue chez Cléa, qui parlait justement de Pascale, et elle me trotte dans la tête depuis ! Comme quoi, les grands esprits, etc…

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  3. Mel

    Très étonnant, la réponse de ce médecin. Mais tu crois que les gens qui ont des problèmes de santé visibles se cachent ou quittent l’Alberta ?

    Sinon, miam la recette, j’ai très envie d’essayer.

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  4. C’est super de pouvoir se dire que la prochaine personne touchée par un handicap et venant dans ta région sera peut être un peu mieux traitée, puisque tu lui auras ouvert la voie quelque part… Mais ça doit être aussi épuisant psychologiquement d’avoir à enfoncer toutes les portes la première ! Je t’envie ta détermination et ton chouette noyau de solidité intérieure, c’est peut être bien ça, avoir la pêche 😀

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  5. Eh bien peut-être que ta ville sera un jour Bordeaux…
    A Bordeaux on voit beaucoup de gens en fauteuil roulant se déplacer apparemment sereinement dans le tram et dans les rues… Ce qui n’est pas du tou le cas à Pau ou je ne vois jamais personne avec un handicap visible…
    Bordeaux :
    http://www.bordeaux.fr/ebx/portals/ebx.portal?_nfpb=true&_pageLabel=pgSomRub11&classofcontent=sommaire&id=421
    Autrement pour la région parisienne j’ai une petite cousine en fauteuil avec un handicap très visble (IMC) qui adore sillonner Paris dans tous les sens en métro et en RER… Peut-être que Paris a changé dans le bon sens depuis ton enfance?

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  6. dieudeschats> sisi, le poids d’endives est normal, c’est parce que c’est comme les poireaux, ça réduit un max à la cuisson. (en ce qui me concerne, j’aurais préféré que ça réduise encore plus, genre jusqu’à zéro, par exemple 😆 – beurk les chicons, miam le reste !)

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  7. laurence

    tant mieux si enfin quelqu’un est assez intelligent pour ne pas te ralentir pour ce fichu permis… par contre étonnant sa réaction ! alors ils ont l’habitude de ne faire que de la “bobologie” ou quoi ? et même s’il n’a pas l’habitude, il a bien fait des études de médecine ou pas ? bon courage ma belle, tu en as et je comprends que parfois tu en manque… biz

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  8. 'Za

    Très étonnant cette réflexion!
    Je te lis discrètement depuis un moment, mais là je peux pas m’empècher de laisser un petit mot.
    Lorsque j’habitais au Québec (et donc pas au Canada, je sais bien mais bon…) justement je voyais beaucoup plus de personnes malades ou handicapées, quelque soit le handicap, aussi bien dans la rue, les centres commerciaux, à l’université… qu’en France!!!!!
    Au Québec, en tout cas là où j’ai pu aller, je trouvais que les villes étaient bien mieux adaptées qu’ici… etc…
    Bref je reste surprise là!

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  9. Tu vois, cela me fait penser à mon propre étonnement la première fois que je suis allée sur une plage en Belgique, à Ostende : sur la plage il y avait toutes sortes de gens, des personnes trisomiques avec leur famille, des gens un peu bossus, un peu boiteux, avce de grands sourires et d’autres sur la promenade, en fauteuil… et je me suis rendue compte que sur une plage française, jamais auparavant je n’avais vu ces personnes, mais plutôt des bimbos se comparant le bronzage.

    C’est pourquoi la plage d’Ostende reste toujours dans mon coeur et je me dis qu’on a du chemin à faire, bon sang, parce que tout le monde aime bien se baigner et se dorer au soleil… (et peut-être même que certains aimeraient se promener dans les rues sous la neige)

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  10. Personnellement, j’ai été vraiment choqué, à New York, d’observer la manière dont les personnes en fauteuil roulant électrique abusent des transports publics.
    Le bus s’immobilise pendant cinq bonnes minutes pour sortir sa passerelle, et voilà que l’handicapé en question ressort deux pâtés de maison plus loin (re-passerelle, re-5 minutes). Voilà comment quelques abuseurs entraînent le rejet de toute une catégorie sociale!
    C’est sans doute pour cette raison que l’Alberta a imposé des restrictions aux déplacements en fauteuil roulant.

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  11. UN: je suis hyper étonnée de ton constat mais…. j’ai comme bon espoir qu’avec le retour des beaux jours: tu verras tout plein de gens avec les cannes blanches, les fauteuils et les béquilles 😉

    Sinon c’est pas possible!?!!!

    Quand je vois ma voisine du dessous qui va où elle veut, qui conduit, qui fait des week ends entiers de concours d’agilité avec son chien, sans compter les entrainements, etc.

    Tout en étant étonnée hein…. je constate aussi qu’on garde en mémoire notre coin de pays un peu pareil que quand on l’a quitté 😦

    Souvent; ce n’est plus le cas après plus d’une dizaine d’années 😯

    J’ai posé une petite caricature des dédales aux urgences du Québec, c’est rigolo YGRECK a mis un petit patient en fauteuil :loll:

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  12. Donc le médecin ne voit que des gens en bonne santé ? Interessant comme job didon 😀

    Question transport public et bus figurez vous que moi je dois composer tous les jours avec des gens qui font s’arrêter MON bus à plein d’endroits où je ne descends pas et d’où je monte jamais ! Je vous dis pas le temps que je perds ! Et des fois ça dure un moment parce qu’ils sont nombreux ! Rhalala je vous jure ! A quand chacun son bus hein ! (ha ça existe ? ça s’appelle un taxi ! Au temps pour moi ! ) 😉

    Pour finir j’adore les quiches, j’adore les endives au jambon, je sens que ta recette va me plaire.

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  13. anais

    Bonte Gracieuse, aursi-tu reellement reussi a faire une pate a tarte correcte??? Toi qui te plains toujours que tu sais pas faire la pate a tarte! A quand ton prochain passage aux US que tu nous fasse gouter ca?

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  14. Il me semble que tu avais décrit ta nouvelle région comme un endroit avec beaucoup d’immigration récente, liée au développement économique dû aux nouvelles exploitations. Ça explique sans doute que les personnes ayant des problèmes de santé soient plus rares, et donc que tu sois obligée de jouer les pionnières 😦
    En France je pense que ça bouge. Le problème du regard des autres est sans doute toujours là, mais les nouvelles normes d’aménagement prennent en compte le handicap, donc au fur et à mesure des renouvellements l’accessibilité se développe (bâtiments, transports en commun, aménagement des rues, …), et plus on verra dans les rues des fauteuils, des béquilles, des aveugles, … autonomes, plus les regards s’habitueront.
    Mais il reste des mauvaises habitudes, par exemple les trottoirs en travaux pendant des semaines, un cauchemar pour les poussettes, alors je n’ose pas imaginer pour les fauteuils !

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  15. catherine, pour le permis, ça avance… mais je ne sais toujours pas comment ça va finir…

    PrincessH, eh oui, je suis une pionnière de l’ouest 😉

    Mel, visiblement c’est ce qui se passe. Ou ils ne viennent tout simplement pas en Alberta…

    krysalia, heu… détermination est peut-être un grand mot. J’ai pas le choix, c’est tout, et à force de me pousser au cul, j’espère que j’y arriverai…

    dieudeschats, ça fond, ça fond, c’est dingue 🙂 Moi j’avais 12 petites endives et j’aurais pu en mettre plus!

    Mahie, c’est pour ça que je dis “il y a quelques années de ça” en parlant de Paris, parce que je sais que les choses changent… même si c’est très lent… (et ne t’inquiètes pas, anthropopotame essaye juste de te faire marcher 😉 ).

    anthropopotable (contraction de anthropopotame et insupportable), faut absolument qu’on se rencontre, que je te fiche un coup de béquille sur la tronche 😛

    !Béo! c’est possible que la neige n’aide pas. Mais ça fait huit mois que je suis ici, hein, et on n’a pas (encore) eu 8 mois de neige…

    heidi, mais non, spèce de banane 😉 Le médecin voit des gens en mauvaise santé, juste pas des gens qui ont mes problèmes en particulier.

    anais, ça fait quand’même trois ans que je sais faire la pâte à tarte, hein… Faut suivre…

    Lune, je crois que tu as parfaitement raison. En fait, quand je pensais à cette histoire, je me suis rappelé le coup des chats qui n’étaient acceptés nulle part, et je me rends compte qu’effectivement, c’est une ville d’immigrants très récents, et pas n’importe quels immigrants. L’autre jour, j’ai rencontré un type qui travaille comme recruteur de travailleurs pour les compagnies pétrolières, et il me racontait qu’effectivement, les gens qui viennent ici pour chercher du boulot sont vraiment un groupe très spécial! (ça faisait même un peu peur…)

    Valérie, franchement, si c’est l’amertume des endives que tu n’aimes pas, cette tarte est pour toi 🙂

    fabienne, merci, je vais voir ce que je peux faire.

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  16. Sev

    Intéressant tout ça. Tu es une pionnière pour cet région. en tout cas, je ne savais pas du tout que tu étais en fauteuil roulant? ou marchant avec des béquilles? Avec le style de vie que tu as, j’aurais jamais pensé.

    Pour ta quiche aux endives, j’ai jamais vu d’endives ici. J’ai pas trop cherché mais j’adore ça en salade. Par contre chaud je déteste. Ma mère faisait des endives au jambon et au fromage et quelle horreur. Le goût est différent dans la quiche?

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  17. Emilie 😆 hélas, non, ils sont un peu trop rustres et un peu trop jeunes pour moi. Quelle déception, hein?

    Sev, j’ai effectivement 2-3 petits problèmes de santé mais rien de grave, et rien qui ne me permette pas de vivre normalement… Bon OK, je ne peux pas faire de tennis, mais c’est à peu près tout 😉 Quant à la quiche, je trouve le goût différent parce que c’est avec des oeufs et pas noyé dans la béchamelle, et puis le jambon grillé par-dessus est à tomber de bonheur 🙂 J’ai aussi eu beaucoup de mal à trouver des endives pendant longtemps, aux Etats Unis, et si j’en trouvais, les caissières me demandaient toujours ce que c’était et ça coûtait les yeux de la tête. Enfin, ici aussi c’est ultra cher, j’ai payé $10 pour 12 petites endives!

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  18. Jean B

    Je suis chirurgien orthopédiste. Je fais de la neuro-orthopédie, cad que j’opère des gens déformés pour leur redonner un maximum de fonction avec ce dont ils disposent comme nerf, muscle et articulations.
    Il y a une grosse différence entre malade et un handicapé moteur. Le rapport à la vie … et donc à la mort est fondamentalement différent. L’handicapé se colletine avec la vie tout les ,avec plus ou moins de difficultés, mais son truc c’est d’arriver à vivre mieux. Le malade lui se colletine avec la mort, il la fuit et c’est une course poursuite à grand renfort de médicaments, rayons et autres chimiothérapies.
    Pour avoir tâté des deux “espèces” au cours de ma formation, je conserve une ampathie et une fascination pour les bléssés et handicapés de tout poils.
    Bon courage

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  19. dieudeschats

    J’ai des questions existentielles… comment diable fais-tu pour parvenir à cuire des chicons en une dizaine de minutes ? Et pourquoi ton jambon grille alors qu’il est recouvert de fromage ?

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  20. “L’enfer, c’est les autres”. C’est vrai qu’on n’y fait pas forcément attention. Que ce soit à Rouen, Paris, Bordeaux, bref, les villes françaises où j’ai vécu, les gens qui se déplaçaient avec assistance (béquille ou fauteuil) ne sont pas inexistants. Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais il ne me viendrait pas à l’esprit d’être surpris par une personne en fauteuil roulant dans la rue, à un arrêt de bus. C’est des gens comme les autres, pourquoi s’étonner qu’ils/elles sortent de chez eux, fassent leurs courses, visitent des musées, aillent au ciné… bref, vivent? Question de mentalité?

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