c'est pas moi je l'jure!

compter les bisons

Le français est une langue très redondante: on répète la même information plusieurs fois dans chaque phrase: “Les (pluriel) femmes (féminin, pluriel) sont (pluriel) belles (féminin, pluriel).” On pourrait très bien dire “Les (pluriel) femme (féminin) être beau” et très bien comprendre le sens de la phrase.

L’anglais est un peu moins redondant. Déja, on ne conjugue que rarement les verbes: “I eat” et “we eat” et “they eat” passent très bien; c’est comme si on disait “je mange, nous mange, ils mange.” Et puis on n’utilise les pluriels qu’avec les noms*, articles et pronoms: houses, them, these, ouselves, children, ours, the Joneses.  Mais jamais avec les adjectifs, alors qu’en français, si. “Une (singulier, féminin) belle (adjectif, singulier, féminin) femme (singulier, féminin). DeS (pluriel) belleS (adjectif, pluriel, féminin) femmeS (pluriel, féminin).” Trois fois la même information. En anglais: “One (singulier) beautiful (adjectif) woman (féminin, singulier). Beautiful (adjectif) women (féminin pluriel).”

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Bon, tout le monde sait ça. Mais là où ça devient un peu plus compliqué, c’est quand on utilise un nom comme adjectif (ça s’appelle un noun adjunct). Par exemple bread knife, couteau à pain. Bread dans ce cas est un adjectif qui décrit le type de couteau. Comme dans red knife. Chicken soup. Chicken soup bowl. Iron board. Car park.

Là où ça devient très compliqué, c’est quand l’adjectif est un nom qui normalement devrait être au pluriel! Par exemple “un journal écrit par deS étudiantS” est traduit par “a student newspaper.” Pourquoi pas “studentS newspaper”? C’est pourtant évident que le journal n’est pas écrit pas UN étudiant unique! Hélas, rappelez-vous qu’en anglais, les adjectifs ne s’accordent JAMAIS et restent toujours au singulier! Comme student est dans ce cas un adjectif qui modifie le nom journal, il reste obligatoirement au singulier, même si plusieurs étudiants écrivent dans ce journal!

C’est l’une des erreurs les plus courantes quand les étrangers parlent anglais**. Et même moi qui connais très bien cette règle, j’ai parfois du mal à l’appliquer correctement après presque 20 ans de vie anglophone. (C’est d’autant plus difficile quand le nom modifié par l’adjectif-nom est lui aussi au pluriel, comme dans shoe shops, leS magasinS qui vendent deS chaussureS!)

– a 500-page book

– a 4-week vacation

– a student-focused course

administration practices

– a boat race

a bookstore

– a toothbrush

– a 3-day trip

– a 5-foot ladder

car production costs

football

road accident research centres

– a car salesman

– a 10-year-old child

– a boob job

Evidemment, il y a des exceptions: martial arts teacher, sales representative, women magazines, etc. Sans parler des possessifs qui embrouillent encore plus la question: hunter trail ou hunter’s trail ou hunters trail ou hunters’ trail? Les quatre possibililités ont des significations différentes mais relativement compliquées, et parfois les différences sont relativement mineures. (C’est sûr que a boob job et a boob’s job ne veulent pas dire la même chose mais parfois ce n’est pas si simple d’expliquer les différences).

C’est ça que j’aime avec l’anglais: la complexité et la flexibilité du bidule!

* mais pas tous: water, money, silverware, homework, bread, milk, wisdom, etc. sont des non-count names nouns, c’est-là-dire qu’on ne les utilise pas au pluriel, ou alors leur signification est différente au pluriel. Il y a plusieurs noms comme ça en français aussi: eau, pain, lait, argent, etc.

** avec “thankS God it’s Friday!” qui devrait être “thank God it’s Friday!” parce que c’est un subjonctif et que le subjonctif ne prend pas de S à la troisième personne du singulier! (Comme dans “God save the Queen!” et non pas “God saveS the Queen!” mais ça on l’utilise moins souvent donc on fait la faute plus rarement.)

PS. Joyeuse fête nationale à tous les Suisses 🙂

53 comments

  1. wow… bon j’aurais dit que le dernier verbe mentionné était à l’impératif pas au subjonctif… et dans ce cas il ne me serait pas venu à l’idée de mettre un S (je pense à un “(let’s) thank God it’s Friday”)… tu vois ce que j’entends :p !

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  2. En IA il y a un problème emblématique qui fait partie des “benchmarks” de référence en résolution automatique de problèmes : le problème des N reines. A l’époque où il n’y avait pas encore beaucoup d’information (ou d’informations ?) sur le WEB, je me rappelle avoir eu du mal à savoir comment écrire ça en anglais.
    The N queens problem ou the N queen problem ou the N-queens problem ou the N-queen problem ?
    Dans la littérature, les formes plurielles l’emportent largement. Mais là où ça devient intéressant c’est que parfois on utilise une forme réduite où le N est implicite, à savoir le problème des reines.
    The queens problem ou the queen problem ?
    Mais c’est quoi ce problème ? Il ne s’agit pas d’un problème que se posent des reines. Il s’agit de trouver le moyen de positionner N reines sur un échiquier de N par N de manière à ce que ces reines ne soient pas en conflit, c’est à dire qu’il ne doit pas y avoir plus d’une reine sur chacune des lignes, colonne, et diagonales. Dans le cas d’un échiquier standard de 8 par 8 (N=8), il existe 92 solutions.

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  3. Mr. Lu

    Je suis sûre que la pacha(tte) qui se repose en regardant les fleurs se soucie de toutes ces subtilités langagières. Pour moi plus le temps passe et plus je me concentre sur les mots simples et qui parlent de l’essentiel (le fonctionnement de l’être humain). Bonne journée

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  4. Seer

    C’est marrant, c’est un problème que j’ai absolument jamais eu. Si quelqu’un me disait 4-weekS vacation ou a teethbrush ça me ferait vraiment mal aux oreilles.

    Quand je fais des fautes d’anglais c’est plutôt des fautes idiotes de vocabulaire, surtout quand il y a qu’un mot en français et plusieurs en anglais. Une qui revient souvent, c’est “accents” au lieu de “stresses” : je me corrige à chaque fois, et j’utilise assez souvent le mot quand je discute songwriting*. Incorrigible. Pire, je me rappelle encore de ce moment d’énervement quand j’avais composé le couplet parfait avec “floor” pour réaliser après que le bon mot était en fait “ground”, et allez on refait tout.
    Et là, avec ton étoile n°1, tu viens de me faire douter sur la différence entre “name” et “noun”. Va falloir que je révise. Merci par ailleurs pour m’avoir appris la traduction anglaise de “indénombrable” 🙂
    (*Aucune idée – mais alors AUCUNE – de comment dire songwriting en français en un mot. La question me hante depuis longtemps, au point que le mot fait partie de mon langage en français maintenant.)

    Là où je te suis plus, c’est les constructions au subjonctif. “I wish I were” et pas “I wish I was”, par exemple. J’ai même vu des constructions où c’est carrément “be”, mais là j’ai pas d’exemple. Autant pour tous les autres verbes on s’en fiche, autant pour celui-là ça peut vite devenir marmelade.

    Caroline : je pense pas que l’impératif existait à la troisième personne du singulier. Je crois me souvenir que pour ce genre de cas (3e personne du singulier) le latin, le français, l’espagnol et l’allemand utilisent le subjonctif. J’ai toujours imaginé que c’était pareil en anglais. God bless you, God blind me. 😉

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    • J’adore le subjonctif, peu de gens l’utilisent correctement. Voilà quelques exemples (merci wikipedia: http://en.wikipedia.org/wiki/English_subjunctive):

      I insist (that) he leave now.
      We asked that it be done yesterday.
      It might be desirable that you not publish the story.
      I support the recommendation that they not be punished.
      I braked in order that the car stay on the road.
      That he appear in court is a necessary condition for his being granted bail.

      Et “peace BE with you!” 🙂

      Je te rajoute un truc bizarre: “You needn’t come tomorrow” et “She need only talk with him and the issue will be solved.” Est-ce que tu connais la règle? 😉

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      • Seer

        Hum, peut-être pas tout. Je me souviens que “need” est un verbe qui peut être utilisé comme un verbe ordinaire ou comme un verbe modal. Dans tes deux exemples, tu l’utilises comme un modal. Tu peux dire needn’t comme tu dirais mustn’t, et dans le cas de “she”, need ne prend pas de S.
        Normalement, on peut dire “you don’t need to come” (ce que je crois d’ailleurs être l’usage américain, needn’t étant surtout britannique) mais pas dire “I needn’t his help” (ni GB ni US).
        J’ai bon ?

        “We asked that it be done yesterday.” Merci, je cherchais un truc comme ça 🙂

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      • Seer

        Ah. Ben tu m’en vois surprise, du coup. Parce qu’au contraire, cette confusion-là je l’ai faite tellement souvent que je me fais vraiment pas confiance avec ces deux mots. :S
        (Je continue mes recherches sur le “need” encore. 🙂 )

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  5. Ah, le non-accord des nom adjectivaux en anglais, tout un casse-tête pour les traducteurs : faut-il traduire “executive email” par le “courriel des directeurs” ou le “courriel du directeur”? Selon les contextes, la différence peut-être de taille… Et je ne parle pas de toutes les situations ambigues du type “New Jersey Cow” (une vache du New-Jersey, une nouvelle vache de Jersey?).
    Bref, la langue de Shakespeare est belle et économique, mais ses économies engendrent parfois du flou – dont les anglophones usent et abusent d’ailleurs.
    Quant à “Thanks God”, il me semble que la formule correcte est bien “Thank God”, probablement déformée par certains, car réinterprétée comme “Thanks, God”, non? (“Que Dieu soit loué” vs “Dieu merci”, en somme).

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    • Seer

      Oh boudiou oui la traduction.
      Là on doit d’ailleurs tenir un gros noyau des fous rires post-traducteurs automatiques.
      J’aime bien ce flou, parfois effectivement ça fait des effets sympas dans des titres de journaux (j’adore les titres des journaux anglophones, en général) ou des bonnes blagues intraduisibles.

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    • C’est sûr que pour comprendre les détails, en anglais, il faut souvent bien connaître le context, parce que ça peut faire toute la différence 😀 (et oui, thank God est correct, j’ai un doctorat en enseignement de l’anglais donc je m’y connais en subjonctif ;))

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  6. Ah, il y a du subjonctif en anglais. Maintenant que tu le dis, ça paraît évident (j’ai toujours dit “I wish I were”, cependant).
    Tu parles là du français écrit, parce que “une” ou “des”, à l’oral, fait toute la différence entre “belle femme” et “belles femmes”.

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    • I wish I were est exactement ça, le subjonctif, donc tu as tout juste sans le savoir 😀 (ta question sur l’écrit ou l’oral prouve exactement ce que j’essaye de démontrer: le S de belleS et femmeS est complètement inutile puisqu’on comprend très bien la signification du message sans les voir!)

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  7. Sofrenchincalgary

    Bonjour,

    Je suis de passage dans ta ville. As tu un conseil de resto avec bc d’option végétarienne.
    Merci pour le post de grammaire. Je suis toujours étonnée que mes enfants grade 5 et 3 n’ont toujours pas fait de grammaire à l’école. L’aînée mélange un peu les temps dans ces écrits et la maîtresse m’a dit que c’était pas grave qu’elle apprendra plus tard.

    Sofrenchincalgary

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    • On ne fait plus de grammar à l’école, ici! Tu dois avoir des choses à faire ici, dommage, j’aurais bien voulu te rencontrer 🙂 Cafe Mosaics est végétarien, Noorish est végétalien et pas mal du tout, Narayanni’s est Indien et végégarien (et pas mal mais un peu cher), Langano Skies a plein d’options végétariennes et est pas mal du tout (Ethiopien), Blue Plate Diner a pas mal d’options végétariennes mais je suis soit très déçue soit très agréablement surprise par leurs plats, donc je ne te fais aucune promesse. J’espère à une prochaine fois!

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  8. En te lisant, je réalise à quel point c’est un foutu chantier, pour un étranger, d’apprendre le français. Et nous, français, avons la manie très irritante (et discourtoise), de toujours corriger leurs fautes à l’oral. Mais je crois que c’est parce qu’on nous a beaucoup corrigés aussi, mais on ne s’en souvient plus consciemment.
    Moi, j’adore la plasticité et le pragmatisme de l’anglais. ex : le type en costume = suit guy. Simple, efficace, percutant. J’adore. Costume type, ça le fait pas.

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    • Manie très irritante et discourtoise ? Faut voir comment c’est fait, j’imagine. En tous cas la plupart des étrangers avec qui je travaille sont demandeurs, pour avoir conscience de leurs erreurs et se corriger… quand on ne le fait pas et qu’ils s’en rendent compte par après, ils nous le reprochent 😉

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    • Etrangement, les anglophones corrigent leurs enfants plus rarement que les francophones, mais la base de l’anglais est beaucoup plus simple que la base du français, donc c’est peut-être pour ça… Quand j’écris en français, je trouve souvent qu’il faut beaucoup de mots pour dire des choses qu’on pourrait dire très simplement et rapidement en anglais 😉

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    • Rien de discourtois à corriger , si cest fait avec gentillesse . Un vieux cousin avait épousé une Polonaise en 1945 ; il était instituteur mais se refusait à corriger les fautes de Français de son épouse … ( par crainte – erronée ? – de la blesser ??? ) Résultat : Ma cousine Polonaise parlait un sabir Franco Polonais , alors qu’elle avait une parfaite compréhension des nuances de la langue Française et de ses subtilités !!! Elle était plus subtile que son Instituteur d’Epoux qui manquait beaucoup d’humour et de finesse …:)) bien que ne faisant pas de fautes grammaticales ….

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  9. Et les bisons, dans tout ça… ils s’en foutent bien, parce que si les Anglais (et tout un paquet d’autres à leur suite) n’étaient point venus, ils seraient encore là à brouter dans les Prairies, non mais… 😛

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    • Ceci dit, bel article, qui explique clairement toutes ces «règles» que l’on ne nous a jamais apprises (sous prétexte que la grammaire anglaise, justement, est beaucoup plus souple que la française). Et que, en francophone, j’ai malgré tout dû apprendre avec beaucoup plus de profondeur et d’attention que mes étudiant(e)s, majoritairement anglophones, qui sont bien frustrés de me voir corriger leur grammaire à tout bout de champ!

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      • Je te rassure vite: les francophones (de France et d’ailleurs) parlent aujourd’hui un français bien peu correct, et je te raconte pas comment ils l’écrivent… (gros soupir… je voudrais jamais être prof de français en France ou en Suisse, quelle angoisse!)

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    • Je suis assez proche de l’avis du rédacteur de l’article que tu cites . Rien ne m’agace plus que le “sabir” de nos médias ( idem dans les entreprises , surtout au niveau communication publicitaire ) saupoudrant leurs propos de mots anglais …. ALORS !!! que…dans la plupart des cas , il existe un équivalent en bon français :(( Si une langue ne produit plus ses propres concepts verbaux , c’est le signe d’une inadaptation au Monde .
      Quand je vivais au MAROC , j’entendais des Marocains lettrés parlant Arabe et saupoudrant leurs conversations de mots… Français …dés qu’il s’agissait de concepts modernes et/ou technologiques …. Signe d’inadaptation d’une civilisation ? La Gaule s’était ” Romanisé-Latinisée” …. Y avait des raisons . L’Anglais est le nouveau Latin .

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      • Je ne suis pas nécessairement en accord avec tout ce que raconte cet auteur (ni avec son point de vue basé sur des à-prioris souverainistes), mais la réflexion est intéressante. La discussion dans les commentaires qui suivent l’article n’est pas dépourvue d’intérêt non plus.

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  10. bel exercice de pédagogie!
    c’est vraiment très complexe! je pensais l’anglais plus facile, mais bon comme je le parle très mal, une faute de plus ou de moins..personne ne s’en offusque, il faut d’abord me comprendre..
    ta Câlinette a un beau balcon à sa disposition, c’est vrai qu’elle doit s’en fiche de nos problèmes de grammaire anglaise! tu lui parles en quelle langue?
    bon dimanche, bises bretonnes!
    (je ne vois pas ma photo sur le billet précédent..je l’ai envoyé trop tard?)

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  11. wam

    Super intéressant. Maintenant je sais. Avant j’y allais au feeling. (Et avais globalement bon 🙂 )
    L’article aussi est intéressant. Je retiens la remarque selon laquelle “La défense de projets collectifs (dont la langue) est désormais potentiellement fasciste, alors que l’individuel est considéré comme progressiste”. Je m’en vais méditer là dessus.

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    • Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu un cours là-dessus quand j’apprenais l’anglais en Suisse. On m’a dit “les adjectifs ne s’accordent pas, point, c’est fastoche,” mais je trouve que ce n’est pas si facile que ça finalement 🙂

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  12. Je pense que la redondance en Français a du bon. Comme ça, s’il manque un bout de phrase parce que c’est haché au bout du fil, ou qu’il a plu sur la feuille, on peut encore deviner la partie manquante. Mais je crois qu’on a hérité ça du latin et de ses déclinaisons. C’était pratique les déclinaisons, ça permet de grouper les mots en ensembles logiques. Pour décomposer les phrases, ça aide. Et ça évite les abus du type “Buffalo buffalo Buffalo buffalo buffalo buffalo Buffalo buffalo” (si si, c’est une vraie phrase en anglais qui a du vrai sens…)

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Merci pour vos commentaires que j'adore :)