c'est pas moi je l'jure!

et si la terre est sombre, et si la pluie te noie

En 2003, l’épidémie de SARS a fortement touché Toronto, avec plus de 400 cas et une quarantaine de morts. Des études ont prouvé que les gens qui ont vécu de près cette épidémie (médecins, infirmières, survivants, familles, etc.) ont mis jusqu’à deux ans pour se remettre mentalement et physiquement du choc psychologique et physique que ça a été pour eux à l’époque. Or, on a maintenant de très, très loin dépassé ce seuil, et je pense que l’anxiété, le stress, l’incertitude, l’épuisement, la solitude, la violence, la peur, et les soucis graves auxquels beaucoup de gens dans le monde entier doivent faire face aujourd’hui vont laisser de profondes cicatrices dans notre psyché, et dans celui de nos enfants. Il est complètement illusoire de penser qu’un jour la vie recommencera “comme avant.” Cette crise mondiale va changer profondément et irrévocablement, et pas toujours en bien, la façon dont nous travaillons, nos relations, nos préoccupations, l’éducation, notre compréhension des changements climatiques, notre façon de nous déplacer, nos convictions, les médias, les systèmes de santé…

J’écoute tous ces gens qui chantent sur leurs balcons, qui font de chouettes vidéos de musique ensemble mais séparés, qui font des sketches et des parodies pour se moquer du virus ou des gens qui font n’importe quoi… et j’ai les larmes qui me montent aux yeux et une grosse boule d’angoisse qui noue mon estomac: combien de temps va-t-on encore chanter et rire, quand la désinformation et les arnaques envahissent les média sociaux, quand les armées sont appelées pour fermer les frontières, quand la stupidité et la cupidité et l’arrogance de certains politiciens tuent des milliers de gens chaque jour, quand la violence conjugale et familiale augmente de façon dramatique, quand des systèmes de surveillance pernicieux sont mis en place sans précaution ni contrôle, quand les gouvernements donnent encore et toujours de l’argent à ceux qui en ont déjà le plus, quand on en vient à faire des choix éthiques douteux, quand des médecins oublient leurs serments et font n’importe quoi, quand l’environnement est systématiquement détruit pour “sauver” l’économie, quand nos aïeux et nos plus démunis sont encore une fois ceux qu’on sacrifie à l’autel du capitalisme, quand on ne protège même pas ceux qui pourraient nous sauver la vie?

Cette attente (de quoi? de tomber malade dans deux semaines mais pas aujourd’hui?) me pèse énormément. C’est ironique, vue que je passe normalement beaucoup de temps seule chez moi. Mais ce n’est pas le calme et la solitude habituels que je ressens, maintenant. C’est un sentiment d’échec, de peur, d’inconnu, d’exil, de deuil, de fin de monde. Tout ce que je fais peut être dangereux pour moi et pour les autres. JE peux être un danger pour moi et pour les autres! Est-ce que c’est dangereux d’appuyer sur le bouton de l’ascenseur? Est-ce que les courses livrées à domicile peuvent être infectées ou est-ce que je risque d’infecter le livreur? Est-ce que je peux donner du pain à ma gentille voisine anglaise sans la mettre en danger? Est-ce que je ne vais pas crever de solitude et de folie sans que personne ne le sache? Comment est-ce que je peux continuer à faire les choses du quotidien (écrire des articles, faire une lessive, etc.) alors que je n’arrive même pas à sortir de mon lit de la journée?

34 comments

  1. Certaines de tes questions trouveront vite une réponse lorsqu’on pourra savoir si on est contaminé ou immunisé en 15 minutes à partir d’une simple goute de sang. Le test est déjà au point et sa production va passer à un stade industriel dans les prochaines semaines.
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/04/03/covid-19-un-test-de-grossesse-adapte-a-la-detection-des-defenses-immunitaires_6035475_1650684.html
    Et comme il a un intérêt économique majeur, même les gouvernements les plus odieux et / ou les plus obtus l’adopteront massivement.

    Les autres questions sur « où va le monde » sont plus délicates. La crise actuelle révèle le niveau de sottise des élites dans des populations pourtant instruites. Quand on entend des gens au sommet d’un état enchaîner les annonces superficielles telles que « on va construire des usines de masques », on peut se demander s’ils seront vraiment aptes à traiter les problèmes de fond qu’ils ont feint de na pas voir jusqu’à présent. Il y a aussi le risque que que dans l’ombre, certains rongent leur frein en attendant l’heure de profiter de la situation pour donner un tour de vis aux libertés individuelles.

    Mais nul ne peut endosser toute la misère du monde. Nos possibilités d’infléchir individuellement le comportement des grandes masses humaines est très limité. On doit faire au mieux dans notre périmètre d’action et d’influence.

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  2. Chris

    Pour pouvoir être utile aux autres de quelques façons que ce soient, il faut en premier lieu penser à soi, prendre soin de soi…..pour tenter d’être la plus forte possible……
    C’est le seul ressort dont j’ai pu me saisir dans cette noirceur !
    Je partage grandement tous les propos de ton article ci-dessus, mais la priorité, à ce jour, est de tenir le coup du mieux possible et avec toute la vigilance possible.
    Il va y avoir des jours meilleurs, c’est sûr : alors prépare toi.
    Très, très, très amicalement

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  3. MAG

    Tout ce que l’on touche peut être contaminé. J’ai dans ma poche un flacon d’alcool pour désinfecter ce que je touche ainsi que mes mains pour me protéger ce qui protège aussi l’utilisateur suivant.
    Faire ses courses directement, en drive ou en livraison c’est la même chose, les gants ne protègent personne parce qu’ils ne sont pas désinfectés entre chaque contact. Je ne range mes courses que le lendemain même si l’on pense que le covid19 meurt en 3h.
    Je ne crois pas en la bonté humaine (les religions s’y cassent les dents) mais en l’egoisme et la cupidité de l’humanite.
    – La grippe dite espagnole de 1918 à fait plus de morts que la guerre elle-même.
    – La crise 1929 a jeté des milliers de personnes dans une misère noire et sur les routes.
    Ces deux faits n’ont pas changé ni influencé les mentalités ni influencé les actions humaines. Bien au contraire, ils sont vite passés à la trappe de l’oubli parce que gênants.
    Très vite l’on dira qu’il « faut se rattraper », que les morts étaient déjà en fin de vie et qu’ils ont été les grands coupables de l’arrêt brutal de la vie ordinaire en squattant les lits de réanimation.
    La mondialisation retrouvera ses lettres de noblesse dans l’économie avec la bénédiction des États qui estimeront vital de rééquilibre croissance et monnaie.
    La nature et le climat en paieront le prix fort.
    Affectueusement. Magali

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  4. mmechapeau

    Merci pour votre billet qui aborde beaucoup de points qui m’inquiètent aussi.
    Pas la peur d’être contaminée mais le manque de solidarité entre les pays, la stupidité et l’arrogance de certains politiciens, le manque de respect pour ceux qui nous soignent (certains doivent déménager, leurs voisins ont peur d’être contaminés), la violence conjugale qui augmente, les frontières qui se ferment…
    Merci et bon courage pour la suite.
    En Belgique, on veut nous déconfiner le plus rapidement possible pour relancer l’économie.

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    • Plusieurs pays pensent déconfiner le plus rapidement possible… et comme le Canada est encore relativement “au début” de sa crise, on va pouvoir observer ce qui se passe dans les pays “plus avancés” … et peut-être apprendre ainsi ce qu’il vaut mieux faire ou ne pas faire. Merci d’être nos cobayes 😉

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  5. salomé

    Haut les coeurs !
    soyez bien prudente et tout ira bien.
    Je vous suis avec un grand plaisir, parfois un peu triste avec vous quand le ciel s’assombrit, je vous admire.
    Vous êtes une femme forte.
    Je vous embrasse avec affection.
    Salomé (Lille, France)

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  6. Blanche

    Le virus a besoin d’un hôte vivant pour se multiplier. Moi, je laisse les courses quelques heures avant de les toucher. Pour le pain, on peut le faire chauffer 4 mn à 60°. On se désinfecte avant d’entrer dans sa voiture ou sa maison, après… on ne se touche pas le visage on garde les distances et j’espère que c’est bon.
    Notre vie est complètement bouleversée. Moi, je cherche des choses à faire, comme faire partie d’un réseau pour fabriquer des masques. C’est vrai que nous sommes confinés à deux, mais mon caractère est beaucoup plus volontaire que celui de M. Blanc. J’ai une utopie, que le monde sera meilleur après. En tous cas, nous pouvons collectivement, l’exiger, non ?
    Courage à toi.

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  7. La zia

    d’abord il faut que tu te lèves ; ne serait-ce que pour ne pas faire une phlébite et ne pas rajouter ainsi de la misère à l’hôpital qui a d’autres choses à faire en ce moment (et dont les consultations de bobologie ont bien baissé actuellement) ; donc prendre soin de soi est un devoir !!! ensuite, je ne crois qu’au pouvoir des initiatives personnelles. En France plein de gens découvrent qu’ô suprise, ils ont un petit producteur pas loin de chez eux et qu’ils n’ont plus besoin d’aller au supermarché acheter tant de saletés ! Il a été calculé que manger local coûte 15 euros de plus par mois. Je sais, tout le monde n’a pas les moyens de payer en plus mais pour certains, ça pourrait être un choix volontaire de soutenir leur propre agriculture. Mais voilà, sauront-ils s’en souvenir une fois déconfinés ou continueront-ils comme des confinis ? j’attends peu de nos politiques…

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    • Après les attentats dans le métro de Londres, des études ont montré que 25% des gens qui avaient dû changer leurs habitudes pendant que les stations de métro étaient fermées avaient gardé leurs nouvelles habitudes même APRES que les stations de métro avaient rouvert. Par exemple plusieurs personnes avaient commencé à aller au boulot à vélo et on continué à le faire même après la réouverture de leurs lignes de métro. On peut espérer que ça sera pareil pour beaucoup de choses cette fois-ci aussi, et pas seulement dans le mauvais sens…

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  8. Nina

    Entre en résistance (oui, comme pendant la 2nde guerre). En résistance contre le virus, la connerie à venir. Lève-toi et résiste comme ces femmes (anonymes ou connues) qui l’ont fait dans les pires moments. La défaite ne passera pas par toi. Résiste ! ..Les papiers mouchoirs qu’on jette protègent tes doigts de ce que tu touches. La solitude ? Sollicite tes amis pourqu’ils vérifient que tu es toujours OK. Fais-le pour les autres aussi. Si tu as d’autres idées, raconte ! Bisous …de loin.

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      • Nina

        Tu n’es pas “très résistante” comme l’actrice Arletty accusée d’avoir eu un amant allemand et qui avait “le coeur français mais le cul international” :))
        Allez,un sourire dans la tourmente.

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  9. Tu n’es pas tout à fait seule, puisque tu partages (ici) ta vie avec nous. Et je suis contente de pouvoir te lire à nouveau. Quant à la suite, il faut attendre et voir, je crois qu’il n’y a pas d’autre choix.

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  10. je suis comme ta tantine, il faut d’abord que tu prennes soin de toi, et cela passe par croire en toi, essayer de te relever, de sortir de ce marasme qui te touche plus particulièrement, chacun peut de son côté faire beaucoup pour les autres, comme les abeilles ou les fourmis..
    je t’aide en pensées depuis chez moi..
    il faut être positif, c’est extrêmement bon pour le moral et la santé, plein de bises pour toi!

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  11. Dans ton billet suivant ( tu sais que je lis toujours les billets à l’envers..) tu parles de science fiction et j’ai l’impression depuis plusieurs semaines de vivre dans un univers un peu dystopique : plein de choses comme avant mais paf, on retombe sur un truc qui nous rappelle que c’est différent…..et pour l’avenir ? Mystère…. certains jours j’espère qu’après on ne gardera que les bonnes choses: quand même de la solidarité, les courses locales, remercier ceux qui font « tourner » la machine…….mais d’autres je me dis comme toi qu’on reprendra les mauvaises…..
    En tous cas, je vois aussi d’après le billet suivant que tu sembles avoir quitté ton lit et ça me rassure sur ton sort…..
    Mais

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  12. Te lire me rend triste, j’aimerais t’envoyer des mots pour te réconforter…
    Je vis ces moments bien différemment, si étrange que ça paraisse, je vais beaucoup mieux depuis le début du “confinement”. Même si la question de savoir où va le monde et comment on va se sortir de tout ça me taraude aussi.
    Courage, courage, je te souhaite de trouver la force de faire au moins les choses qui te font du bien ! Un bon bain ? Ecouter de la musique ? Manger de la glace ?

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  13. alcib

    Bien sûr, c’est inquiétant, tout cela. J’ai des amis, des voisins, qui sont sur la ligne de fronts (aux urgences d’hôpitaux, par exemple, et plus particulièrement les hôpitaux et centres d’hébergement désignés pour recevoir les malades de la COVID-19). J’admire leur courage.
    Pour ma part, je respecte intégralement les consignes émises par notre gouvernement (le Québec) et je dois dire que je ne trouve pas cela très difficile. J’ai été inquiet pour les provisions, mais j’ai réussi à trouver un mode de fonctionnement.
    La semaine dernière et la semaine d’avant, j’ai échangé des courriels avec des journalistes des grands journaux, pour leur suggérer des sujets d’articles ; j’ai retrouvé dans quelques articles quelques points que j’avais soulevé.
    Je ne sais pas si cela changera concrètement quelque chose, mais j’ai écrit au président d’une des très grandes chaînes d’alimentation (16 milliards de dollars de chiffres d’affaires, plus de 90 000 employés), pour lui parler de certaines catégories de personnes (personnes âgées, vulnérables pour une raison ou pour une autre, etc.) pour qui les services offerts ne répondent à leurs besoins (les personnes qui ne peuvent se déplacer, celles qui ne peuvent attendre deux semaines pour la livraison, qui n’ont pas accès à Internet pour commander en ligne, etc.). Le croiras-tu ? Ce PDG de 16 milliards de dollars m’a téléphoné la semaine dernière pour me remercier (et me féliciter) de ma lettre de 3 pages ; j’ai pu constater qu’il avait vraiment lu ma lettre et qu’il essayait de trouver des solutions aux problèmes que j’avais soulevés… On verra bien si, dans la réalité, les choses changeront. Il m’a au moins donné des renseignements qui peuvent m’être utiles immédiatement..
    C’est pour Rupert que c’est plus difficile ! C’est le printemps et il voudrait être dehors toujours… mais, comme les rues sont désertes, il ne comprend pas où sont passés tous ses admirateurs et admiratrices, tous ses amis à deux ou quatre pattes… Quand ce serait le temps de rentrer, il ne veut pas, car je crois qu’il s’imagine que s’il reste dehors plus longtemps, ses amis finiront par venir le voir, le caresser ou jouer avec lui… C’est lui qui déprime un peu depuis trois semaines.
    Et les temps libres nouveaux dont je pourrais disposer en raison de l’arrêt de presque toutes les activités économiques et sociales, je dois les consacrer à Rupert qui, autrement, déprimerait vraiment.
    Et comme nous passons beaucoup de temps dehors, en toute sécurité devant notre immeuble, j’ai tout de même l’occasion de parler un peu avec des gens qui passent de temps à autre ou avec des voisins qui entrent ou qui sortent.
    Tout cela va finir par finir ; on ne sait pas comment, mais ça va finir par finir.

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  14. Bernard lebel

    J’arrive après tout le monde, mais j’étais à l’hosto. Pas de covid, mais mes problèmes de reins… c’est sûrement lours chez toi, mais c’est certainement mieux que dans un hopital même si le mien est un des plus neuf et beau

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  15. Pingback: le temps du deuil | c'est pas moi je l'jure!

Merci pour vos commentaires que j'adore :)