En 1999, j’ai décidé d’aller voir ce qu’étaient ces fameuses “chatrooms” dont tout le monde parlait. Je me revois en train de me balader dans différentes chatrooms et d’y trouver un nombre incalculable de conneries et de stupidités, jusqu’au moment où j’ai trouvé une conversation sympa, et j’y suis restée.
J’y suis retournée le lendemain, et j’ai remarqué qu’un certain JOHN était de retour lui aussi. Après quelques jours, j’ai commencé à papoter.
JOHN et moi avons passé plusieurs soirées “ensemble.” Il était sympa et drôle, et il vivait en Finlande. Au fil des soirées (c’était le matin pour lui, et il s’ennuyait dans son cours d’informatique), d’autres personnes se joignaient à nos conversations mais on allait de plus en plus souvent dans une private chatroom pour parler de nos vies et nos rêves.
Je ne sais plus du tout combien de temps tout ça a duré, trois ou quatre mois, peut-être plus, mais je me souviens d’avoir passé des nuits entières à lui parler de tout et de rien.
Jusqu’au jour où j’ai décidé d’aller le rencontrer en Finlande! Et, en passant, d’aller faire un petit tour d’Europe: Belgique, Luxembourg, Pays Bas, Allemagne, Danemark, Norvège, et Suède (je n’étais jamais allée en Scandinavie) (et la Finlande ne fait pas partie de la Scandinavie). En voiture. Avec une coloc, Monica, qui repartirait quelques jours après notre arrivée en Finlande et moi j’y resterais plus longtemps. Notre “dernier soir” de chatroom avant mon départ, JOHN et moi pleurions à chaudes larmes!
Notre tour d’Europe s’est très bien passé, à part pour la fuite d’huile de ma bagnole, et donc on devait en remettre dans chaque pays (ce qui nous a permis d’apprendre que öl ne signifie pas “huile” en suédois et de bien faire rire les mécaniciens suédois), et puis après une traversée extraordinaire en ferry entre Stokholm et Helsinki, on est arrivées en Finlande. Après avoir passé une nuit chez l’ex-PDG de Nokia (en se perdant mortellement et PERSONNE ne parlait anglais là-bas, et le finnois est une langue perfide!), Monica et moi sommes parties retrouver JOHN, qui habitait à Kuopio, à cinq heures de route au nord d’Helsinki.
On s’était donnés rendez-vous dans le port de Kuopio, et quand j’ai vu JOHN, qui s’appelait en réalité Jarkko, pour la première fois, c’était comme si on se connaissait depuis toujours et on aurait pu se jeter dans les bras l’un de l’autre et ne plus jamais s’en détacher! Sauf qu’il avait une copine.
Je savais qu’il avait une copine, et le problème c’est qu’elle était extrêmement sympathique. Nous avons passé une nuit dans leur minuscule appartement, à boire beaucoup de vodka achetée hors taxes sur le ferry, et puis nous sommes allés voir la famille de Jarkko, quelque part au milieu de la grande forêt finlandaise. On a trop mangé (des plats inconnus et délicieux), été à la pêche, vu des endroits sublimes, rencontré des gens qui ne connaissaient pas un mot d’anglais… C’était fabuleux.
Ensuite, Monica est repartie et je suis restée.
Jarkko, sa copine et moi sommes partis (dans ma voiture) pour Rovaniemi, ville sur le cercle polaire qui me faisait rêver depuis mon enfance (à cause d’un jeu que j’adorais, le “Voyage en Europe”), et puis la Laponie, en écoutant Leonard Cohen. Ca a été l’un des voyages les plus extraordinaires de ma vie!
Après quelques jours passés dans un petit chalet au milieu de la Laponie avec des nuits jamais bien sombres, on est redescendus à Kuopio en passant chez des amis à Oulu. Et puis j’ai dû partir.
Jarkko m’a accompagné jusqu’à l’entrée de l’autoroute pour Helsinki, et dans la voiture, on pleurait tous les deux comme des madeleines! Pendant tout mon trajet jusqu’à Helsinki j’ai pleuré. Pendant les trois jours de ferry jusqu’à Lübeck j’ai pleuré. Et puis j’ai fait Lübeck-Morges dans la journée (1072 kilomètres) en déjeunant avec mon cousin en passant à Heidelberg.
Jarkko était un bout de moi qui avait dû se détacher par erreur au début du monde. Le quitter, c’était comme de me couper un bras. On a très rapidement perdu contact ensuite, pour ne pas rendre la séparation plus douloureuse, et je ne sais pas du tout ce qu’il est devenu.
Les gens qu’on aime #12: quelqu’un qui nous a fait découvrir quelque chose
Un souvenir comme une pépite brute ❤
Un rayon de soleil dans ta mémoire.
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C’est sûr 🙂
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Tu vois Doc’ ce billet est excellent, celui qui me semble le plus sensible de toute cette série (pour le moment) merci pour ce racontage. Quand à ce voyage en europe du nord, à sa forme, c’est comme ça que je conçois le voyage.
(tu ne raconte pas comment vous avez réussi à perdre pendant deux ou trois heures la copine du Jarkko, histoire de vérifier ou non votre compatibilité sexuelle, simple expression pudique de ta part ou bien alors la présence de la copine n’était en aucun cas un souci ?)
Bleck
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La copine travaillait. Mais on n’a jamais rien fait de mal, ça n’aurait que rendu les choses encore plus compliquée 🙂
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#12: quelqu’un qui nous a fait découvrir quelque chose
(et encore un pavé)
Tout ou presque pouvait nous séparer. Nous étions collègues. D’abord dans le département Informatique. Nous n’étions pas dans la même équipe, mais l’ambiance était bonne et il y avait pas mal de brassage entre nous, si bien qu’on mangeait souvent plus ou moins tous ensemble, on se retrouvait pour les croissants du vendredi, ou dans la journée autour d’un café. Je l’aimais bien, cette fille. Je la trouvais lumineuse. Avec de l’aura. L’énergie tranquille sortait de sa personne et se diffusait autour d’elle. Elle a eu une mobilité, je l’ai perdue de vue. Puis j’ai également eu une mobilité, et je l’ai retrouvée. après quelques mois : elle revenait de congé maternité. Nous avons resympathisé.
Et je me suis interrogée.
Pourquoi est ce que je m’entends si bien avec elle. Alors, qu’elle est aussi beaucoup de ce que j’ai du mal à supporter, voire qui me fait peur ou même que je méprise. Elle est issue d’une grande famille de la banlieue chic de Paris. Elle voulait et a eu une grande famille (5 enfants, je crois). Elle est très croyante et pratiquante. Elle est conservatrice.
Oui. MAIS MAIS MAIS.
Elle est honnête (elle était aussi scandalisée que moi des mesquineries et petits larçins à 2 balles de notre chef de l’époque, du genre se réjouir voire se vanter d’avoir réussi à prendre des capsules de N*spr*ss* à la démonstration/vente effectuée pour les salariés ; ou plusieurs t-shirts distribués par les syndicats dans le cadre d’une lutte “ce sera parfait pour faire la peinture chez moi”). Elle est cohérente (“pourquoi mets tu tes enfants en école privée, alors que les écoles publiques de ton lieu de résidence sont très très bonnes ?” “parce que la religion, c’est important pour moi et je veux transmettre cela à mes enfants”). Elle a le souci de la communauté (ses enfants étaient chez les scouts et enfants de coeur à l’église, parce que la religion est importante pour elle, mais aussi pour apprendre à servir la communauté, à partager, à s’occuper d’autrui). Elle est respectueuse (alors que je me plaignais une nouvelle fois de mon chef “oui, tu as raison… Mais c’est ton chef…” ; ou alors que j’avais de difficultés perso, elle m’épaulait, me conseillait, me donnait des références en précisant “et ils ne sont pas très religieux. Ca peut te convenir comme source de conseils” ; ou le fait qu’elle ait remué ciel et terre pour aider une copine commune qui divorcait à avoir un minimum de meubles pour son nouvel appart, alors, que je suppose que le divorce ne fait pas partie du tout de son plan de vie).
bref, ce qu’elle m’a fait découvrir, c’est que plus encore qu’une vision de la société, ce que je chéris le plus, ce qui est au sommet de mes valeurs personnelles, c’est le respect d’autrui, l’honnêteté, l’engagement dans la communauté, l’entraide et la qualité des relations humaines.
Et que elle aussi. et que c’est pour cette raison qu’on trouvait un terrain d’entente.
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Très intéressante, ton histoire! Je me suis retrouvée un peu dans la même situation avec mes amis mormons, quand j’habitais en Utah. Tant qu’ils respectaient mes choix, je respectais les leurs, et on avait beaucoup de valeurs importantes (pour moi comme pour eux) en commun. Mais au fil du temps (et des élections), les choix des uns et des autres deviennent malgré tout de plus en plus difficiles à accepter, pour moi en tous les cas.
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hahaha tu résumes en 3 lignes ce que j’ai dit en un gros pavé ^^
Je ne sais pas être synthétique
Je n’ai pas gardé contact avec cette personne après qu’elle ait quitté la société. J’ai des nouvelles parfois par mon amie qui aime l’art, et j’envoie un bonjour. On a malgré tout des sujets bien divergents que je faisais semblant de ne pas voir; mais cela aurait été plus difficile dans le cadre d’une amitié sur du long terme. Mais curieusement, malgré tout, je pense qu’elle fait partie du top 10 des personnes qui m’ont marquées dans la vie. Si tant est qu’on puisse faire un classement, bien sûr.
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Je trouve que c’est bien dans la vie d’avoir des amis dont les avis diffèrent complètement, ça nous permet de ne pas penser “toute personne qui ne pense pas comme moi est un con!” comme c’est si facile à faire. (Je vais justement parler de ça ce soir, hehe.) J’ai rayé une amie de ma liste en 2016, quand elle a voté pour un “troisième candidat” qui avait “une chance de gagner,” elle en était sûre, au lieu de voter pour Clinton. J’espère qu’il y a quelques jours elle a voté pour le bon candidat cette fois-ci…
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et pour remettre les textes propres et bien rangés 😀 j’ai mis mon #11 sous ton #11 (en plus du de l’avoir déjà mis sous le #2 “partir à zanzibar”. Ca va ? tu arrives à suivre mon micmac ? 😀
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Tu es une perfectionniste 😀 Pas de soucis, je suis, comme tu mets bien le numéro des thèmes tu peux les poster où tu veux, je les vois au fur et à mesure dans ma boîte à commentaires 🙂 Merci ❤️
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jolie histoire mais trop triste😥mais quel voyage! faut être bien amoureuse pour entreprendre une épopée comme celle ci😉
#12, j’étais très jeune, interne dans le bloc où j’étais aide opératoire, et où travaillait Mimi, une des infirmières 😉, qui était une grande voyageuse, je l’admirais, elle partait seule en Inde, au Pérou, au Brésil, etc.. et ça a été pour moi une révélation, elle m’a fait aimer les voyages “exotiques”, à l’époque, c’était vraiment exotique, et c’est à cause d’elle qu’à 24 ans je suis partie un mois au Pérou, sac au dos et complètement sur un coup de tête sans avoir rien organisé, et pas du tout préparée à la vie dans ce merveilleux pays. Et depuis, voyager est devenu presque une drogue, hélas en ce moment..😥
Voilà!
bonne après midi et bises
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Quelle chance tu as eue de rencontrer cette Mimi 🙂
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# 12 Quelqu’un qui m’a fait découvrir quelques chose…
Eté 1969, je me réveille avenue de Villiers nous sommes “montés à la capitale” par le dernier train hier soir, tonton Jean et moi. Ça va être 3 jours à faire des kilomètres sur les grands boulevards, 3 soirées à aller au théâtre, 3 jours et les halles montmartre les terrasses des cafés, et le métro la conciergerie pigalle le louvre et les grands magasins… Pendant trois jours il m’a offert ma première visite de Paris, une découverte incroyable un séjour qui m’a marqué à jamais, qui m’a construit, Merci tonton Jean.
Bleck
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Chouette découverte de Paris 🙂
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#12: trop belle cette histoire. Je rêve pour toi qu’il soit lecteur du blog pour te donner des nouvelles mais alors faudrait l’écrire en anglais je suppose…
J’ai rencontré Dervila à Paris lors d’une rando avec un groupe de randonneurs parisiens. J’adorais ce groupe: on prenait le métro et rer, on se retrouvait en banlieue pour une rando d’une vingtaine de km pour la journée ensemble. Ça marchait avec un répondeur téléphonique et j’y ai rencontre de belles personnes (rarement ma génération mais je les aimais beaucoup).
Et donc un jour je marche avec Dervila, une irlandaise qui faisait une thèse à Paris. Et nous nous sommes très bien entendues. Quelques années de plus que moi, mais plutôt dans ma génération. Nous avons beaucoup discuté, raconté nos vies pendant des randonnées. Et un jour, elle me propose un week-end de trois jours à randonner en Normandie. Quel souvenir! Je crois que nous n’avons pas eu plus de 30min sans pluie pour notre premier jour! Et comme c’était itinérant, nous n’avions pas le choix nous devions avancer ! Mais nous repris notre conversation et nous avancions. Même sous la pluie c’était une belle randonnée. Arrivé au gîte nous avons pu prendre une graande douche et nous réchauffer dans une crêperie bretonne ! Heureusement les jours suivants furent plus secs et nous avons pu continuer.
J’ai adoré ce week-end avec Dervila. Avec nos déménagements respectifs, nous continuons à nous voir-plusieurs séjours à Dublin chez elle où avec elle. J’espère qu’elle pourra un jour proche venir nous voir en Belgique avec sa petite famille.
Dervila m’a fait decouvrir la Normandie et l’Irlande, d’une manière paisible. A bientôt !
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Quelle chance tu as eue, je rêve toujours de visiter l’Irlande, et la Normandie aussi!
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Ah mais quelle chance tu as eue ! J’avais aussi tenté les chatrooms mais à part parler de Q, rien ne semblait intéresser les gens 🙄. Moi qui espérais discuter avec des gens du monde entier, j’étais particulièrement déçue. Tu me répondras qu’on peut parler de Q depuis le Brésil ou la Nouvelle-Zélande aussi 😝
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Hahah, comme je l’explique, je n’ai pas immédiatement trouvé cet endroit sympa. Au départ, j’ai vu pas mal de trucs cons et/ou glauques et/ou effarants! Je pense que ça n’a pas dû s’améliorer depuis le temps…
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Quelle histoire merveilleuse ! Ce voyage a vraiment dû être incroyable.
Je ne suis jamais allée en Scandinavie, ni en Finlande.
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J’ai un John à la maison… mais l’histoire se termine moins bien.
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#12 quelqu’un qui nous a fait découvrir quelque chose
En 2009 (je crois), j’ai vu qu’il y avait à proximité de mon lieu de travail un atelier de potier. De potières. J’avais envie de travailler la terre depuis très longtemps (entre l’archéologie, le jardinage et la poterie… je sens un lien). J’ai donc franchi la porte de l’atelier et j’ai rencontré deux femmes charmantes : Maria était vénézuélienne, architecte et potière, Patricia avait travaillé dans le cinéma avant de se reconvertir.
Elles m’ont fait découvrir la poterie et j’ai adoré mes séances du samedi, dans l’atmosphère accueillante et concentrée de l’atelier. Elles étaient très patientes et trouvaient un bon équilibre entre m’aider et me laisser de plus en plus d’autonomie. Et puis un jour, au bout de quelques années, elles ont dû fermer l’atelier car elles ne pouvaient pas vivre de leur activité : le loyer du local commercial dans ma ville était trop élevé. Elles ont cherché et trouvé un local dans une ville proche mais cela ne s’est pas fait. Je n’ai pas fait de poterie depuis. Ça me manque terriblement et un jour j’aurai un tour de potier ! Mais je ne retrouverai jamais l’ambiance de l’atelier de Maria et Patricia.
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PS : j’ai répondu au suje #11 🙂
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