Pour me changer les idées, au lieu de continuer à haïr ma nouvelle cuisine, j’ai décidé d’essayer un nouveau défi pendant un mois: à la fin de chaque journée, je veux réfléchir à ce que j’ai fait pendant cette journée et trouver un moment où je me suis “perdue” dans ce que je faisais, un moment où j’étais bien et j’aimais ce que je faisais, un moment où je ne regardais pas ma montre et ne pensais pas à ce que je devais faire après ou ce que je n’avais pas fait avant, un moment où j’étais dans le moment. J’appellerai ça “les moments M.”
Si vous voulez participer dans les commentaires ou sur votre blog, ça me fera très plaisir, mais je ne force personne 🙂
En ce premier jour de défi (je bannirai de ce blog (à perpétuité) quiconque osant utiliser le mot challenge pour dire défi), étrangement, j’ai immédiatement pensé aux premiers travaux de mes étudiants, que j’ai corrigés toute la journée. Mes étudiants sont… comment dire… spéciaux, différents, uniques, mais dans le bon sens. Ils ne ressemblent en rien à mes étudiants d’Alberta. Mes étudiants d’ici viennent de situations familiales et économiques souvent difficiles, de systèmes éducatifs hétéroclites, d’endroits souvent reculés, et surtout de cultures très variées et qui me sont complètement inconnues. Et quand je lisais leurs textes aujourd’hui, de simples “histoires” sur leurs aventures de lectures et d’écritures chez eux et à l’école, je me suis rendue compte que je ne pouvais pas noter ces devoirs de la même façon que je notais les devoirs de mes étudiants albertains.
J’ai alors essayé de me plonger dans ces histoires et d’y répondre avec des réactions personnelles et non pas “de prof” et des questions honnêtes, et aussi avec des suggestions allant dans le sens de ce qu’ils avaient écrit et non pas dans “mon” sens. Je sais que je dois leur enseigner à communiquer précisément et “correctement” et de façon “académique,” mais pour ce premier devoir, j’ai eu envie de plutôt leur expliquer ce qu’ils faisaient bien (que ce soit leur utilisation des imageries, de l’humour, des descriptions, ou des mots, par exemple) et de leur donner des conseils pour encore plus développer ces talents. Je n’ai jamais dit “pour que ce soit un papier académique parfait et recevoir une bonne note, il faudrait qu’il y ait eu ceci ou cela.”
Alors j’ai passé quelques heures à essayer de ne plus penser comme la prof albertaine que j’étais mais de ne penser qu’à mes étudiants et qui ils étaient et quels talents je pouvais les aider à se découvrir ou quelles peurs je pouvais les aider à dépasser. Ca n’était pas facile, parfois j’étais un peu perdue ou déconcertée, mais c’était fascinant comme exercise. Ils m’ont ouvert des fenêtres sur leur vie, leur passé, des moments touchants ou drôles ou tristes ou choquants, et j’ai essayé de les écouter au lieu de les noter. Je ne sais pas si j’ai eu raison, mais grâce à cette approche inhabituelle, j’ai passé quelques heures vraiment passionnantes et instructives aujourd’hui.
— Moment M1
Student voices matter. Trying to know who they are before going ahead is a great idea.
J’aime beaucoup votre moment M1.
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Merci 🙂
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Le moment où tu t’oublies complètement, où tu ne vois pas passer le temps, c’est le flow. Je lis un livre en ce moment là-dessus : Flow and the Foundation of Positive Psychology de Mihaly Csikszentmihalyi, un des premiers à avoir parlé de cet état.
Quant à tes étudiants, je suis contente pour toi de lire que tu les apprécies 😊, toi qui avais peur de rentrer dans ce nouveau milieu.
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Csikszentmihalyi dis-tu… non, à la réflexion je ne lirai pas son opus, tenter d’écrire son nom m’a déjà épuisé.
Bleck
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Valvita, je suis toujours aussi surprise de me retrouver dans ce milieu militaire, mais du moment que je peux enseigner, et apprendre, je suis contente 🙂
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Eh bien lire votre billet de ce jour est également passionnant !
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Merci 🙂
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Tes étudiants sont chanceux de t’avoir… Un jour tu devrais proposer à une association de ton coin d’animer des ateliers d’écriture une fois par moi 3h, par exemple pour des grands-parents qui veulent transmettre la mémoire familiale. Je devrais venir en résidence d’écrivain chez toi !
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Il doit y avoir des associations d’anciens combattants qui font ce genre de chose, c’est sûr 🙂
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Tu vas être le prof adoré de l’Academie militaire.
Tes élèves viennent de milieux disparates et peu favorisés. Est-ce pour ces raisons qu’ils ont choisi une carrière militaire ?
Ta façon d’aborder l’enseignement est extrêmement valorisante et, pour moi, la seule de faire progresser sans humiliation.
De par mes origines populaires, j’avais de très grosses lacunes de vocabulaire et, de par mes capacités intellectuelles j’ai suivi un enseignement secondaire dans un lycée de haut niveau. La nuit je rêvais que je battais les profs qui me méprisaient. Si j’avais eu des enseignants comme toi mes progrès auraient été plus faciles et rapides.
Ta sensibilité te rend encore plus géniale. Tes étudiants t’en seront reconnaissants.
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Huhuh, merci, mais je crois que pour l’instant, mes étudiants ne sont pas trop contents de devoir faire leurs devoirs 😉 Les jeunes de ma classe viennent effectivement de milieux souvent défavorisés, ce qui fait qu’ils n’ont peut-être ni le niveau, ni l’argent nécessaires pour aller dans des universités “normales” qui sont chères (alors qu’ici, les étudiants se font payer par le gouvernement).
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J’essaie de valoriser ce que mes élèves savent faire; leurs lacunes, ils les voient tous seuls et ne voient souvent que ça… Comme Magali, je pense qu’il faut d’abord donner confiance (en eux) aux élèves pour qu’ils progressent.
(Et, hum, tu écris “exercise”, grâce à ton excellente maîtrise de l’anglais, dans le dernier paragraphe.)
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J’ai longuement hésité avec exercise, parce qu’en anglais en plus il y a les deux, l’un est un verbe, l’autre un nom, je ne sais jamais lequel est lequel, alors en français, tu imagines bien que… bref… 😉
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Vos étudiants se sont confiés à vous. Je pense que certains, en rédigeant le devoir, ont aussi eu leur moment M.
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🙂 J’espère que quelques uns n’ont pas trop souffert au moins, oui.
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le moment présent ou la pleine conscience, tu n’es pas loin de la méditation😉 bravo pour ces défis! je vais suivre ton exemple, et tous les soirs me demander ce qui a fait que ma journée a été différente des autres, en essayant de la valoriser..j’avais déjà fait cet exercice dans le passé, mais j’avais peu à peu abandonné, dommage..
tu es chanceuse d’avoir des étudiants qui semblent très intéressants dans leur diversité, leur culture et leurs sentiments, je suis sûre que tu vas apprécier d’avoir quitté l’Alberta! c’est ce que je te souhaite😊
bon dimanche bises
PS Miss Penny a l’air d’avoir trouvé un nouvel ami..
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Miss Penny était ravie d’avoir quelqu’un qui lui filait généreusement du yaourt et on a beaucoup rigolé, oui 🙂
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Plus tard, bien plus tard l’université dans laquelle tu officies va mettre ces chars d’assaut, ces canons et autres merdes infectes à la ferraille et à la place ériger une statue en ton honneur en guise de remerciement.
La place d’armes sera rebaptisée Miss Penny, deux béquilles remplaceront fièrement les glaives présents actuellement sur le fronton du portail de la caserne et la route d’accès se nommera “cestpasmoijeljure road”
Bleck
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Ton commentaire me touche beaucoup, mais je préfèrerais ne pas avoir de statue en mon honneur parce qu’on risquerait de la déboulonner quelques années plus tard si on découvrait que je disais “mortecouille” tout le temps 😉 J’adore en particulier la place d’arme rebaptisée Miss Penny et les béquilles sur le fronton ❤
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Il est 5h15 du matin. Je ne peux pas dormir. Il faudra que j’écrive sur les moments M aussi…
Qui est le monsieur de la photo?
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Le mari de ma tante 🙂
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Ah ! Je croyais qu’elle était venue seule !
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