c'est pas moi je l'jure!

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La semaine avant-dernière c’était Reading Week (l’équivalent du Spring Break américain) donc je n’ai pas eu de cours à enseigner. Par contre, j’ai dû lire et évaluer un manuscript de 333 pages et je me suis donné le minimum de trois chapitres par jours (il y en a 16) sinon je n’aurais jamais terminé à temps!

Le manuscript était à propos d’un thème très proche de ma recherche de doctorat et j’y suis citée plusieurs fois, donc il était presque intéressant, et puis bon, j’ai été payée 150 dollars américains (ce qui est presque le coût du sac à main que je me suis offert pour mon anniversaire).

Le chapitre 3 parlait de l’identité que les étrangers développent quand ils font leurs études puis deviennent profs de writing dans les universités américaines. Souvent, ces profs se sentent dénigrés par leurs étudiants parce qu’ils ont une tête d’étranger, ou un accent différent, ou bien parce qu’ils font parfois des erreurs quand ils parlent et écrivent.

Moi, je suis devenue prof d’anglais-langue-seconde en 1999, avec mon accent et mes erreurs, et je me suis effectivement demandée si mes étudiants me respecteraient et ne demanderaient pas plutôt un prof de langue maternelle anglaise. Ces tergiversions m’ont inspiré le projet de recherche que j’ai fait en maîtrise et plus tard en doctorat.

La différence importante entre moi et beaucoup d’autres profs étrangers, c’est que je n’ai pas “une tête d’étrangère.” Ca fait une énorme différence dans la façon dont les étudiants me respectent. Et contrairement aux profs du chapitre 3, je commence toujours l’année avec mes nouveaux étudiants en leur disant “je suis francophone, je fais parfois des erreurs en anglais, c’est la vie!” Et puis j’ajoute que j’ai un doctorat et que je suis directrice d’un centre d’aide aux étudiants et qu’ils pourront critiquer mon anglais quand ils seront au même niveau professionnel que moi! En général ça passe très bien.

Mais en lisant ce chapitre 3, je me suis aussi dit que l’avantage que j’ai de ne pas avoir “une tête d’étrangère” est fortement contrebalancé par l’inconvénient d’avoir “une tête d’handicapée!”

Cette année, j’ai enseigné pour la première fois de ma vie sans que mes étudiants ne sachent que je suis handicapée. Et pour la première fois aussi, j’ai eu un entretient d’embauche où personne ne savait que je marche avec des béquilles. Evidemment, je n’ai malheureusement pas pu étudier scientifiquement les différences dans la façon dont ma classe s’est déroulée, because Covid, mais je sais que ça a fait une grande différence dans les sujets abordés en classe. Pendant l’entretient, c’était vraiment cool que cette partie de moi ne prenne pas les devants sur “le reste de moi,” comme elle le fait d’habitude, mais j’avais aussi l’impression de ne plus avoir mes deux solides béquilles habituelles pour me soutenir mentalement! Mais le plus intéressant dans l’histoire, c’est que dans les deux situations, j’ai eu l’impression de mentir, de ne pas être entièrement moi-même.

C’est rare de pouvoir se débarrasser (pendant un moment) d’une partie normalement si ostensible de son identité!

Finalement j’ai dit à l’éditeur de ne pas publier le bouquin.

21 comments

    • Le problème c’est qu’il n’apportait pratiquement rien de nouveau. J’écrivais exactement la même chose il y a 20 ans! Il y avait trois chapitres intéressants et qui apportaient un petit vent de fraicheur, mais le reste était du rabâchage déprimant.

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  1. J’ai étudié l’identité sociale et je trouve le sujet passionnant. En quoi ton handicap rendrait tes compétences professionnelles moins intéressantes ? Dans les deux cas que tu cites, tu as mis en avant ton identité de spécialiste (je ne connais pas ton titre). Tu aurais pu choisir de mettre en évidence ton identité de joueuse de piano mais tu ne l’as pas fait. As-tu menti ?

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  2. catandfivecats

    ce n’était donc pas un sujet de thèse à relire, ou de maitrise?
    je pense que lorsque tu vois quelqu’un pour la première fois, l’entretien (pour un boulot ou une conversation banale) est biaisé par le fait que tu te dis, il me voit comme je suis physiquement et non comme je suis mentalement, et j’imagine que cela peut changer les rapports avec la personne. Tu as certainement raison. C’est compliqué pour nous de l’appréhender, et toute proportion gardée (absolument), je le ressens de la même façon, car je me sens différente derrière un écran ou un téléphone. Je me trompe peut être?
    Derrière ton joli sac, il y a une petite Miss Penny qui doit se sentir drôlement bien avec toi😊
    bon mercredi! bises

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    • Non, ce n’était pas une thèse, c’était un manuscript de bouquin. L’éditeur voulait savoir s’il valait la peine de le publier ou non. Et oui, Miss Penny commence tout juste à se sentir chez elle on dirait, ça fait bien plaisir 🙂

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  3. catandfivecats

    mercimercimerci!😀
    ta petite araignée noire est arrivée à bon port😉 je la trouve trop trognonnne, tu as du talent! je ne l’attendais pas si tôt😊 j’en suis toute heureuse, et lorsque j’ai vu le prix de l’affranchissement, j’ai halluciné!
    je vais mettre cette si jolie araignée à un endroit où je la verrai tous les jours, sur mon bureau par exemple,
    ma fille ainée a une peur bleue des araignées, et moi je les aime, elles dévorent les insectes répugnants, alors que demander de plus!
    je t’embrasse en te remerciant encore, tu m’as fait un grand plaisir😘

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  4. mmechapeau

    Sujet compliqué. Votre identité peut aussi paraitre très différente selon votre humeur du jour, par exemple.
    D’où l’intérêt de ne pas trop se tracasser. Vous êtes un tout et tant pis pour ceux qui ne voient qu’une partie du tout.

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  5. wam

    il avait l’air bien, pourtant, ce bouquin, non ?
    Peut être que tu sais /penses que les gens apportent une grande importance à ton identité d’handicapée, et que c’est pourquoi tu as eu l’impression de mentir…

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    • Oui, je me demande si ce n’est pas devenu un test pour moi: si vous acceptez mes béquilles, je vous fais confiance. Et donc maintenant, est-ce que je peux vraiment leur faire confiance s’ils ne les ont pas acceptées?

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  6. J’adore la marque Coach ! Ici, c’est minimum 400.- à 500.- pour une sac. Lors de notre voyage en Californie, à Carmel, je suis tombée (littéralement et presque réellement ) sur une boutique Coach. En fait c’était un outlet !!! Le paradis sur terre ;-). Je bavais ! Et les prix, pratiquement divisés par 4 à 5. Donc, je me suis fait plaisir !!!
    😉

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