c'est pas moi je l'jure!

ce que la vie a fait de moi

Quand je jouais du piano, je pouvais “m’exercer” à jouer sans avoir de piano devant moi. Bien sûr, je pouvais tapoter des doigts sur n’importe quelle surface, mais “sentir” mes doigts faire les mouvements justes dans ma tête était beaucoup plus efficace. En fait, quand je pensais à une mélodie, je ne l’entendais pas seulement dans ma tête mais mes doigts la jouaient, dans ma tête.

Je ne me suis rendue compte que je faisais ça que des années plus tard, en regardant un épisode de la série House, où un pianiste malade devait imaginer qu’il jouait du piano et l’IRM montrait un cerveau aussi actif que si le pianiste jouait réellement sur un piano.

Là où ça devient intéressant, c’est que je n’ai plus jamais pensé à tout ça jusqu’à un jour, en novembre 2016. J’avais commencé à jouer de la clarinette en juillet donc je n’étais encore qu’une débutante, et un jour, comme ça, dans ma tête, j’ai “senti” mes doigts jouer l’un des simples morceaux que je m’exerçais à jouer sur ma clarinette depuis quelques jours. Je pouvais donc m’exercer à jouer ce morceau même sans avoir de clarinette entre les mains. Ca m’a fait un gros choc de ressentir ça, ce jour-là, parce que je ne me souvenais plus que ça pouvait arriver, et ça m’a aussi fait réaliser que ça ne m’était pas arrivé immédiatement quand j’ai commencé la clarinette.

Ravie, j’en ai parlé à mon prof… qui a été très surpris et m’a dit qu’il n’avait jamais ressenti ça, lui! Et tristement, je n’ai plus jamais ressenti ça non plus depuis. Mais ça m’énerve, parce que je sais que c’est possible. Je me demande si c’est une question d’années de pratique, ou de mémorisation (mon prof ne m’a jamais rien demandé de mémoriser), ou de pasticité du cerveau…

J’arrive déjà à jouer des trucs sympas mais en fait, je suis étonnement très nulle sur plusieurs aspects de la clarinette: je ne sais pas toujours quelle note je joue, je ne me souviens pas toujours de quels doigtés il faut faire pour jouer certaines notes, et il y a certaines notes que je ne sais toujours pas lire (au piano, on passe en clé de fa pour les notes les plus basses et en mode “octave” pour les notes les plus hautes). Tout ça fait que je n’ai encore que très peu de connections note écrite = doigté = résultat sonore dans mon cerveau!

Alors j’ai décidé de travailler là-dessus, et hier, j’ai cherché toutes les gammes qu’on peut jouer à la clarinette, mais celles que j’ai trouvées avaient l’armature à la clé, donc je ne pouvais pas voir les altérations près des notes que je jouais…

Trouvé sur internet.

… donc j’ai écrit mes propres grammes (avec mon amie Lilypond)! Hier soir, en moins de deux heures, sur mon balcon, j’ai écrit les 12 gammes majeures. Demain je fais les mineures.

df4 ef f gf af bf c df ef f gf af bf c df c bf af gf f ef df c bf af gf f ef df2

Je dois donc maintenant jouer 150 fois la gamme ci-dessus par exemple, en regardant attentivement les notes sur la partition et en me disant “cette note écrite est un la bémol et ce doigté me donne un la bémol, etc.” pour créer une connection note écrite = doigté. ENSUITE, il faut que je fasse 150 fois la même gamme mais en fermant les yeux et en me disant “ce doigté me donne un la bémol et ce son est un la bémol, etc.” pour créer cette fois une connection doigté = résultat sonore dans mon cerveau.

Je ne veux plus rien jouer de compliqué, maintenant, jusqu’à ce que je (re)trouve cette faculté de jouer de la clarinette sans clarinette qui me manque terriblement!

Je sens que mon prof va encore bien rigoler quand je vais lui raconter tout ça…

15 comments

  1. Wam

    Quand j’ai appris à conduire, je m’exercais ainsi à la coordination nécessaire aux changement de vitesse. Répéter dans ma tête ou assise sur une chaise.
    Le truc : lever le pied de la pédale de vitesse, enfoncer l’autre pied sur le débrayage (Mais pas à la même vitesse) – changer de vitesse – retirer le pied du debrayage- reprendre la pédale d’accélération (ni trop vite ni trop loin), ben je trouvais ça pas facile, au debut.
    (Bon, je vous rassure, maintenant, je n’y pense même plus)

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  2. Quand j’ai commencé la batterie, j’ai beaucoup joué dans ma tête pour m’exercer, c’était aussi difficile qu’en vrai mais ça m’a beaucoup aidée.
    C’est le même principe avec la lecture. Quand tu lis une histoire avec beaucoup d’émotions dedans, tu vis aussi ces émotions. Et quand tu veux boire un verre d’eau, ton cerveau a déjà fait le mouvement dans sa tête avant que tu sois consciente de faire le mouvement pour atteindre le verre d’eau.
    Notre cerveau est merveilleux.

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  3. bien sûr, je ne comprends pas grand chose aux partitions de clarinette, mais ton cerveau est tellement “intelligent” qu’il met en place des shémas d’exécution de tâches tellement sophistiqués dont tu n’as aucune idée!
    lorsque tu te douches par ex, es tu en pleine conscience avec ce que tu fais? ou te laves tu de façon automatique?
    donc je suis certaine que ton cerveau est capable de jouer sans instrument, et tes doigts réalisent une danse sans que tu en es vraiment conscience..
    amuse toi bien avec ta clarinette (lui as tu choisi un nom??:-) )!
    bises

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  4. Alcib

    Un ami musicien et professeur de musique (clarinette et piano) a toujours pratiqué son doigté, lorsqu’il était chez lui et ne voulait pas embêter ses voisins, sur une clarinette et un piano muets…
    Les compositeurs travaillent parfois – souvent ? – sans instrument : la musique se fait dans leur tête avant de se trouver sur le papier (c’est souvent la même chose pour les écrivains : la musique de leurs phrases se compose en eux, en silence apparent, avant de se traduire en mots).
    Les athlètes décomposent aussi tous les gestes, tous les mouvements nécessaires à l’exécution de leur performance ; ils se rejouent souvent dans leur tête le scénario, dans tous ses détails très précis, bien avant l’exécution du jour J (n’est-ce pas ce que l’on appelle visualisation ?)

    Je crois qu’Akismet ne veut pas me connaître (ou me reconnaître).

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  5. La prof de yoga nous dit souvent de fermer les yeux et d’imaginer la posture idéale, de la ressentir, pendant qu’on la pratique….comme on peut….ça doit être le même genre de mécanisme cérébral et ça se travaille, tu as raison…..bon, pour la musique, j’aurais sans doute beaucoup de boulot!😉

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  6. Estelle

    c’est marrant je vois bien les difficultés que j’ai au piano en temps que joueuse de clarinette (les deux mains qui font des trucs différents au lieu de travailler à la même note, le fait de gérer la force avec laquelle on appuie, le cas échéant déchiffrer la clé de fa, etc..) mais je ne m’étais jamais posée la question de ce que ça donne dans le sens inverse. Après si ça peut te rassurer j’ai commencé la clarinette il y a genre 25 ans, et promis, le suraigu, je le lis pas au premier coup d’œil (tout comme je ne retrouve pas les doigtés associés de mémoire, je dois faire une gamme montante et laisser mes doigts faire passé le mi).

    la partie souffle/gestion de l’air te pose pas de problèmes ?

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  7. Sauf à ce que je me trompe gravement, le doigté des “vents” sert plus à sélectionner les harmoniques et c’est le soufle qui produit le son.
    Je me permets cette remarque parce que bon des fois j’ai à te lire l’impression que c’est plus l’autoflagellation qui te meut que la recherche du plaisir. “ho je suis trop nulle pour jouer correctement” “ho je suis une grosse frimeuse qui se paye une clarinette chere plutot que bien jouer” “ho pas tati ho patatras …”
    Bon tu joues bien du piano, où les doigts en font des tonnes, ben là le doigté c’est rien ce qui compte c’est le souffle et la vibration , le doigté fait plus de la figuration.
    Quand on déménage ce qui compte c’est la camionnette ou les meubles ?( cette image est vraiment nulle, mais je la maintiens en pénitence de ma vanité insondable et de mon orgueil ) 🙂

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    • J’acquiesce votre commentaire, Chachashire. Quand on est une musicienne professionnelle, je comprendrais l’auto-critique mais quand on joue pour notre propre plaisir alors… pourquoi ne pas y trouver du plaisir? J’ai joué plusieurs instruments dans ma vie, incluant le piano… j’étais très bonne il paraît et j’y ai trouvé plaisir jusqu’au jour où je n’ai plus aimé… ce jour là, la magie s’est éteinte comme une bougie par grand vent. Mais quand ça me plaisais, bien sûr je travaillais et recherchais de toujours jouer mieux mais je le faisais par plaisir donc, il fallait que j’y trouve plaisir.
      Tu sais, chère CaSo, tu es très bonne dans tout ce que tu fais même si des idiots autour de toi te disent (ou te font sentir) le contraire. Alors, envoie-les promener et entre dans ta musique. La musique n’est pas une question de doigté (quoique cela a son importance)… ce qui est important est de vivre sa musique, de vivre ses écrits, de vivre tout ce que nous faisons… et si les autres ne sont pas content… bien… too bad for them/tant pis pour eux car ils sont les vrais perdants de ne pas être près de toi et de ne pas profiter de tes superbes talents et de ta si belle personnalité.

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Merci pour vos commentaires que j'adore :)