c'est pas moi je l'jure!

j’ai choisi de rire

Ce soir je suis complètement ivre à cause de ce putain de covid et de notre putain de premier ministre qui a attendu jusqu’à ce que la situation soit abominable pour décider que plus personne ne peut rendre visite à plus personne et qu’il est interdit d’aller au resto avec des amis. Pour les célibataires comme moi, c’est un peu brutal. Alors je suis allée me souler toute seule à mon resto préféré (où il n’y a eu qu’un autre client pendant l’heure et demi où j’y étais).

Mais je pense à ma copine Virginia dont le fils a passé trois ans avec l’armée américaine en Afghanistan. Ca devait être autrement plus difficile à vivre qu’un an de solitude! Et pourtant, Virginia n’a jamais cessé d’être the life of the party comme on dit en anglais, la fille la plus généreuse, drôle, énergique, supportive, enthousiaste, et sympathique de tout le département d’anglais!

Le département d’anglais était énorme et composé de plein d’unités plus ou moins grandes, comme mon minuscule programme en linguistique appliqué qui ne comptait qu’une trentaine d’étudiants. Il y avait aussi les étudiants en littérature, ceux en creative writing, ceux en rhetoric and composition, et d’autres dont je ne me souviens plus. Tous les doctorants devaient choisir et étudier deux sujets, et Virginia avait choisi rhet/comp, dirigé par notre très aimé chef de département, Irwin Weiser, appelé Bud par tous, et la linguistique appliquée, enseignés par les très célèbres M&T*. Avec son charme et son rire, elle était aussi devenue amie avec plein de profs et d’étudiants en littérature, ce qui était remarquable parce que cette énorme unité se pensait être la meilleure et la plus prestigieuse du département donc tout le monde les détestait. Elle était donc amie avec pratiquement tout le monde.

Deuxième en partant de la droite–je crois que c’est la seule photo d’elle que je possède

Elle était aussi un peu plus âgée que la plupart d’entre nous, donc elle était un peu notre mère. A chaque fois qu’il y avait un problème, elle savait à qui parler pour le résoudre. A chaque fois qu’on avait des questions, elle trouvait les réponses. A chaque fois que nos étudiants nous cassaient les pieds, elle avait des idées pour nous aider. A chaque fois qu’on voulait faire la fête, elle nous offrait à boire. Son énergie semblait sans borne et sa gentillesse était inexhaustible. On pouvait toujours entendre son rire quelque part au quatrième étage de notre vieux bâtiment, sous les toits, là où se trouvaient tous les bureaux partagés des étudiants et ceux des profs en linguistique appliquée.

Virginia avait commencé son doctorat un ou deux ans avant moi, et elle l’a terminé un ou deux ans après moi, et on se moquait tous gentiment d’elle à cause de ça. Mais c’était juste pendant la période où son fils était en Afghanistan, et je ne sais même pas comment elle arrivait à gérer son angoisse en même temps que ses études. On pourrait croire qu’elle était si énergique et généreuse pour justement essayer d’oublier son angoisse, mais en fait non, elle a toujours été comme ça. Malgré le fait que son frère est mort d’un cancer et que son fils a fini par se faire virer de l’armée et plein d’autres calamités comme ça dans sa vie.

Elle a été engagée par un centre d’aide aux étudiants comme le mien dans une très grande université à la fin de son doctorat (mais avec un contrat d’administratrice, pas de prof, et donc l’impossibilité d’avoir la tenure), et depuis, elle est devenue amie avec les doyens et présidents et directeurs, et elle a créé des programmes incroyables pour les étudiants internationaux, et elle continue d’encourager et d’aider tous ses amis un peu partout dans le monde.

On se voit à des conférences une fois tous les quatre ans environ (parce que comme elle n’est pas prof, elle n’a que très peu d’argent pour assister à des conférences), où on partage une chambre et on ne dort pratiquement pas tellement on a de chose à se raconter à chaque fois. Je l’aime énormément.

Photo piquée sur internet

Oh, et c’est elle qui m’a recommandé le fameux bouquin grâce auquel j’ai eu mon premier job à Toronto et dont l’auteur m’a écrit une sublime lettre de recommendation pour ma tenure. 

* Moi j’ai choisi Higher Education Administration comme deuxième sujet d’étude, dans une autre faculté, ce qui était parfaitement interdit.

Les gens qu’on aime #23: quelqu’un qui aime aider autrui

27 comments

  1. iamthesunking

    Notre premier ministre est pire. Nos morts continuent à monter mais il a décidé qu’entre le 23 et le 27 décembre, on peut laisser tomber les règles, faire ce qu’on veut et rendre visite à n’importe qui.

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  2. Bleck

    Pour quelqu’un de complètement ivre, tu écris vachement bien.
    (je connais la fille à la droite de Virginia, celle qui porte le même uniforme. Elle se nomme Dominique, si par le plus grand des hasards ce n’est pas elle, c’est sa soeur)

    Bleck

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  3. Ca fait un moment que les restaurants sont fermés ici mais ils rouvrent le 10 décembre et refermeront sans doute après Nouvel An, quand la 3e vague sévira. Quant à ta copine, c’est non seulement sympa d’avoir des gens aussi agréables dans sa vie mais également utile.

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  4. là je me dis que tu tant de copines et de copains, que tu dois avoir ou un carnet dans lequel tu consignes, après leur prénom, toute leur vie, ou alors tu as un cerveau sur dimensionné pour garder toutes ces anecdotes sur tes amis !
    là je sèche lamentablement, de plus, je n’arrive plus à suivre tes #, on en est où exactement?
    #25😐
    #23😐
    Katrina avait un beau jardin, est ce que tu as encore l’occasion d’y aller, puisqu’elle a déménagé?
    bises du vendredi, ouf! début du WE (ha ha, je suis en WE tous les jours de l’année, suis je bête😁)
    et miss Penny, elle va bien?

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    • Roh, je me suis juste plantée une fois donc j’ai inversé le 26 et le 23. Ben non je ne peux plus aller dans le jardin de Katrina, comme d’autres personnes habitent sa maison maintenant… C’est triste pour la Sosso! (Et le jardin. Et Katrina.)

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  5. Jenny

    #26 quelqu’un qui aime les animaux
    Ma grand-mère aimait les animaux. Elle a toujours eu un chien et un chat. Comme ma mère était asthmatique, nous ne pouvions pas avoir un animal domestique et je prenais plaisir à promener les chien de ma grand-mère. Ma grand-mère parlait à tous les propriétaires de chiens qu’elle croisait et à leurs chiens. Elle avait toujours une friandise à leur donner. Même en France, alors qu’lle ne parlait pas trois mots de français, elle parlait aux propriétaires de chiens dans la rue.
    Elle prenait ses chiens à la RSPCA (la SPA). Je me souviens de Bran, le lévrier puis de Sam, le chien de berger noir et blanc, très intélligent, Danny, le même en brun et blanc, Shep, le labrador qui ne courait qu’après les cailloux… les autres, je les ai à peine connus car j’étais adulte. Malheureusement, la plupart d’entre eux sont morts renversés par des voitures. Ma grand-mère les a tous enterrés dans son jardin (pas sûre sue ce soit très légal).
    Mon copain a deux chats qui appartenaient à son voisin mais qui ont élu domicile chez lui il y a six ou sept ans. Je m’y suis habituée mais je ne pense pas que je pourrais vraiment aimer un chat. Un chien, peut-être ?
    J’ai tendance à me méfier des gens qui “aiment les animaux plus que les humains”, sous prétexte que les animaux sont des êtres “innocents”, “sans méchanceté” alors que l’humain… quelle horreur ! Et qui péfèrent sauver un chien abandonné qu’un migrant qui fuit son pays en geurre et un avenir misérable…

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    • Ben disons que si mon chat m’aime, je sais qu’elle n’a pas d’arrière-pensées du genre “elle est quand même un peu conne de temps en temps celle-là!” ou “si ça continue comme ça je me casse!” ou “je l’aime bien mais elle a vraiment des fringues moches!” Alors que mes copines… 😉

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      • Jenny

        C’est le cas de ton chat… mais ils ne sont pas tous pareils : un des deux chats de mon copain est une crème, l’autre c’est Mme la Princesse apprentie dictateur “gueux-je-vous-méprise-nourrissez-moi-caressez-moi-ouvrez-fermez-la-porte…”
        Et puis si les animaux domestiques pouvaient se casser, c’est pas dit qu’ils resteraient tous chez leur “maître(esse)” !

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        • C’est vrai 🙂 D’ailleurs les propriétaires de chats disent bien qu’ils n’ont pas de chat mais qu’ils habitent CHEZ leur chat! Moi, j’aime ça. Mon chat n’a pas besoin de moi tout le temps, et… je ne dois pas aller la sortir 3 fois par jour par -40 degrés 😉

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  6. Geneviève

    J’ai rencontré ce couple il y a dix ans, alors quon était tous les 4 militants politiques au niveau municipal. Dans notre arrondissement, on avait réussi à faire élire un petit parti à contre courant, bourré d’urbanistes et de gens qui voulaient remettre le citoyen (vs. les promoteurs immobiliers) et le piéton/cycliste (vs. les automobilistes) au centre des préoccupations de la ville, et le maire d’arrondissement, un type beau comme un dieu et doté d’un culot hallucinant, avait droit à toutes sortes d’invectives de la part des opposants. Eux et nous, on faisait partie de cette armée invisible de militants qui prenaient sa défense sur les rezosocios.
    Ce sont deux personnes mariés en 2e noces l’un à l’autre, avec chacun une fille d’un précédent mariage. Ils ont l’âge de mes parents, et une maison à faire rêver à deux pas de notre appartement. Le genre de trucs qu’on ne pourrait jamais s’acheter…
    Ce sont deux personnes non seulement passionnantes mais aussi passionnées, du genre à ronger un “os idéologique” pendant des semaines s’il le faut. Ils sont à la retraite hein, alors ils ont le temps… Et ce sont des gens dont la raison d’être est de rendre des petits services aux uns et aux autres. Rien de grand, mais toutes ces petites choses que d’habitude on ignore. Quand mon Troize est né, ils nous ont apporté une journée complète de bouffe toute prête (pour 4!) et bien sûr délicieuse. Quand jai été au fond du trou de ma dépression, ils m’ont accueillie les bras ouverts aussi souvent que j’en avais besoin, parfois juste pour pleurer en silence, tranquillement. Quand leurs voisins, eux aussi des immigrants, ont une panne de Babysitter, ils gardent la petite fille sans poser de question… Ils ont ete pendant 4 ans les moteurs de ce petit marché de fruits et légumes de quartier pour lequel j’ai été bénévole avec eux. Et pas mal à cause d’eux !
    La pandémie est malheureusement venue mettre la hache dans tout car. Ils ont terriblement peur d’attraper la maladie, alors ils se calfeutrent et on ne les voit plus. La seule famille qu’ils continuent à voir est celle de leur petite-fille, mais comme elle est scolarisée, le risque de contagion est quand même non nul… Rendus enfermés chez eux à cause de leur âge, ils se sentent aussi terriblement impuissants et ont l’impression, tout à coup, d’être officiellement “seniors” — ce qu’ils n’étaient pas du tout avant ! Pas facile à avaler.

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    • J’ai entendu plusieurs personnes âgées dire la même chose. Ma vieille voisine anglaise me dit “j’aimerais quand même bien vivre avant de mourir!” Cette situation est terrible pour les plus âgés et les plus jeunes, je trouve.

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  7. Mahie

    Tu es sûre que tu es ivre ? 🙂 Tu as vu combien de verres?
    Ton texte est très chouette en tous cas et cette personne intéressante.
    Si j’ai bien compris pas de restau ni de cafés en France avant fin janvier…
    Je ne sais pas ce restera de nos commerces quand tout cela sera fini…. 😞

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    • Ah ça je peux te dire que j’étais bien ivre! Je sais que je le suis à partir du moment où je n’arrive plus à lire mon bouquin 😆 Et heureusement que je n’habite pas loin… Ici on favorise l’économie et tant pis pour les morts, c’est une autre approche…

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  8. wam

    #26 quelqu’un qui aime les animaux
    Ma camarade de promo V. adore les animaux. Nous avons repris contact il y a 3 ou 4 ans, avec la petite bande que nous constituions à l’époque. Nous nous sommes tous revus en week end chez elle, ou plutot dans la maison de vacances de ses parents, parce que cette dernière est plus grande. Lors de nos sorties et visites, elle s’est arrêtée, et nous avec, a garé sa voiture, parce qu’elle avait vu un pigeon blessé sur le trottoir. Elle héberge des chats, dont un malade (et peut être d’autres animaux, j’avoue que je n’ai pas trop suivi, et nous n’étions pas chez elle, donc). Elle se lève tôt chaque matin (gros gros effort pour elle, elle était réputée dans notre bande de potes pour ses réveils difficiles) pour lui donner sa piqure quotidienne. Elle rapporte que ca lui fait mal aux genoux, car elle doit se mettre à genoux par terre pour caler le chat, et elle s’inquiète (en rigolant) de la réputation qu’elle pourrait avoir depuis qu’elle a lu que les actrices porno ont souvent des problèmes de genoux à force de… [non, je vous laisse trouver pourquoi]. Elle relaie sur son face de bouc les annonces de refuges pour animaux et société protectrice des animaux, et autres ligues de protection des oiseaux. Bref, elle aime les animaux. (et elle aime rigoler)

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    • Bleck

      Sincèrement, je n’étais pas au courant pour les problèmes de genoux des actrices porno, maintenant… tu es sûre c’est vraiment aux genoux qu’elles ont des problêmes à force de… c’est aux genoux ? Bon, la prochaine fois je regarderai plus en détail.

      Bleck

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  9. Bleck

    # je ne sais plus vraiment, mais est-ce si important le numéro.

    Quelqu’un qui aime aider autrui. Il propose a ses administrés de rester au chaud et d’attendre que la vague malsaine passe, il propose de belles paroles réconfortantes tous les mois, avec des mots simples et compréhensibles pour chacun, il propose des aides financières certes un peu remboursables mais comment ferait-on autrement… Manu, voilà quelqu’un qui aime aider autrui.

    Bleck

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  10. Céline de Belgique

    #23: C’est marrant, je fais tellement la coupure entre mon boulot et ma vie de famille que j’ai pas pensé à elle de suite et maintenant, j’ai aussi du mal à trouver son prénom.
    Pauline est une personne qui aime aider les autres. A tel point qu’elle en a fait son boulot. Nous travaillons dans la même société pharma et je ne sais pas quel était son poste quand elle a été engagée mais je ne l’ai rencontrée qu’il y a env. 4 ans. Elle a monté un réseau d’ambassadeurs pour faciliter le travail. J’y ai participé d’abord dans un groupe de travail pour aider à améliorer la gestion des mails. Elle nous avait épaulé pour travailler à des tips qu’on pouvait diffuser dans nos départements.
    Puis le réseau évolue et diffuse beaucoup plus largement. Il s’agit d’un réseau Bien-être maintenant.
    Alors avec ce réseau, elle connaît énormément de monde au sein de l’entreprise. Et elle a un mot pour chacun d’eux, elle est d’une bienveillance extraordinaire et sait dégager du temps pour qui a besoin d’elle, conseil, action, remonter le moral.
    J’aime l’écouter parler, elle donne toujours l’envie de faire mieux auprès des autres pour l’ecoute et mettre en place des actions aider les autres.

    Elle fait du coaching en parallèle et je suis persuadée qu’elle fait cela divinement bien. Bisous Pauline!

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Merci pour vos commentaires que j'adore :)