J’ai commencé à enseigner à l’université en janvier 1996, en Utah. Pendant quelques années, j’ai enseigné des cours de français de deuxième année, et j’avais des étudiant.e.s plus ou moins studieux et une patronne un peu trop stricte, mais à part ça je n’ai jamais eu de problèmes.
Ensuite, en septembre 1999, j’ai commencé à enseigner l’anglais, le soir, à des immigrants d’Amérique latine qui ne parlaient pas un mot d’anglais. Je les ai adorés, ces élèves, parce qu’ils étaient réellement avides d’apprendre, et ils apportaient beaucoup de tristesse, de sacrifices, de joie, et de courage dans notre classe.
De 2000 à 2002, j’ai enseigné l’anglais à des étudiant.e.s universitaires dont le niveau d’anglais n’était pas assez élevé pour suivre des cours “normaux.” Dans mes cours (intermédiaires et avancés de grammaire, préparation au TOEFL, lecture, et rédaction), j’ai eu énormément d’étudiants géniaux et que j’ai adorés, dont lui. Les “étudiant.e.s difficiles” étaient les paresseux, les réfractaires, les confus, et parfois des emmerdeurs (dont ce jeune Coréen qui refusait d’obéir à une femme!), mais jamais des groupes d’emmerdeurs! Je me souviens de moments de franches rigolades sympathiques, et puis il suffisait de dire “ok, maintenant on se concentre un peu” et hop, le travail reprenait. C’était mes années d’enseignement préférées.
En 2002, j’ai commencé à enseigner la rédaction académique en Indiana, à des Américains de premier cycle, des étudiant.e.s internationaux et premier, deuxième, et troisième cycles, des femmes dans les sciences, des groupes de jeunes précoces… C’était parfois difficile et j’ai eu quelques étudiant.e.s problématiques, comme celui qui m’a harcelée pendant des mois parce qu’on avait fumé des joints ensemble (hum…). Mais encore une fois, je n’avais jamais de problèmes à enseigner en classe.
De 2006 à 2009, à Toronto, j’ai enseigné des cours à des étudiant.e.s pour qui l’anglais n’était pas la langue maternelle et qui étaient forcés de suivre mes cours. Là, évidemment, j’ai des souvenirs de nombreux moments où j’ai dû leur demander de se concentrer et de faire des efforts quand ils n’étaient pas plus motivés que ça. Mais niveau discipline, je n’ai aucun souvenir particulièrement pénible. Les pires étudiants ne fichaient rien, c’est tout.
Mes cours en Alberta se sont toujours passés extrêmement bien parce que seuls les étudiant.e.s très motivés et bosseurs les suivaient. Il y a eu deux exceptions notables, quand “mon” cours a été annulé par des connards d’administrateurs et que j’ai dû enseigner deux cours qui ont été des échecs cuisants. Mais jamais au niveau de la discipline–en fait, c’était même le contraire, et je devais faire des efforts surhumains pour réussir à leur faire dire un mot en classe!
A la FAK, les choses sont très différentes: premièrement, because covid, je ne peux pas demander à mes étudiants de changer de place, donc mes six chieurs sont assis ensemble au fond de la classe depuis le début. Deuxièmement, je porte un masque et je n’ai tout simplement pas l’impression d’être moi-même. Je ne suis pas une bonne prof à cause de ça, et je n’ai pas réussi à créer de relation avec ces étudiants. Et troisièmement, je n’ai plus l’impression d’avoir le contrôle de mes étudiants. Avant, j’étais la big boss de mes classes, mais là, les militaires me confusent, et je ne sais pas vraiment jusqu’où s’étend mon autorité.
Mes étudiants ne se tapent pas dessus, ne s’envoient pas les meubles à la figure, n’apportent pas de couteaux en classe, ne vandalisent rien, ne sortent pas de prison, et ne me menacent pas physiquement ni verbalement, mais certains (heureusement pas tous) font preuve d’un incroyable manque de respect et d’une immaturité à laquelle je n’ai jamais eu à faire face en 26 ans d’enseignement. Je suis tout simplement sidérée.
Votre cours se termine bientôt. Savez-vous si d’autres étudiants de la FAK ont l’habitude de mal se comporter comme certains des vôtres? Pour de futurs soldats, j’espère que non. Courage.
LikeLike
Non, visiblement mes étudiants sont uniques en leur genre 🙂 Plus qu’une semaine de cours!
LikeLike
Pensez-vous qu’ils se comporteraient différemment si vous étiez un prof masculin ?
LikeLike
Peut-être, et pas handicapé, et plus âgé, et tout….
LikeLike
Pas de bol, l’impossiblité de les faire changer de place.
LikeLike
J’aurais dû le faire sans demander la permission dès le début, pour séparer les p’tits merdeux.
LikeLike
ce sentiment d’échec annihile tous tes autres pensées..c’est terrible! heureusement bientôt tu pourras leur dire adieu à ces petits cons!
il va falloir un bon “débriefing” après ces cours avec tes supérieurs et les autres enseignants de cette classe? cela me semble bien nécessaire🙄
c’est chouette de résumer pour nous toutes tes années de cours 😉 même si ce n’est pas pour une bonne raison!
bises et bonne semaine
LikeLike
Oh je ne me suis pas gênée pour le “debriefing” ce matin quand j’ai dû passer devant le JAG pour raconter l’affaire. J’ai vidé mon sac!
LikeLike
Cette classe est représentative des classes auxquelles tu vas devoir enseigner ? J’espère que non 😦
LikeLike
Peut-être, mais je ne suis jamais obligée d’enseigner, c’est moi qui ai choisi de le faire.
LikeLike
Il n’y a donc aucune incidence pour eux s’ils ne valident pas ce cours ? (un examen à la fin ? du contrôle continu ?)
Bon courage et grande patience en attendant
LikeLike
Peut d’incidences ou de répercussions s’ils ont des mauvaises notes.
LikeLike
Comme tu le dis si bien, la situation sanitaire actuelle complique tout.
Je ne pense pas que les autres profs soient mieux lotis avec ces mêmes élèves.
J’ai pensé, fort brièvement, que tu avais perdu en autorité. Mais j’ai vite pensé à la France et à son armée. De plus en plus d’engagés militaires sont renvoyés pour « invalidité », mot pudique pour désigner leur incapacité à obéir et à se conformer au modèle. C’est aussi plus discret que le renvoi disciplinaire. Ils sont dirigés par des hommes autoritaires.
Ta province lointaine ne doit pas être bien différente, le fait que tu sois une femme n’a aucune influence. Le monde évolue, la société évolue parce que les humains changent.
Comme les commentaires le soulignent, ces étudiants vont très vite sortir de ta vie.
Je croise les doigts pour la suite.
LikeLike
Il y en a des géniaux et je ne regrette pas d’avoir enseigné ce cours. Je le ferai même probablement l’automne prochain, mais là, je ne laisserai pas les choses se dégrader comme ça, je saurai mieux à quoi m’en tenir 🙂
LikeLike
Le masque aussi me pose problème avec les élèves. Déjà il y a le problème de leur demander sans arrêt de le mettre correctement… Et on est jamais certaine de leur expression derrière cette protection 😤
Le manque de respect chez les militaires, on ne s’y attend pas…. Mais finalement ça ne m’étonne pas. 🙄🤨☹️ Sales types!
LikeLike